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Je ne doute pas que depuis leur assujettissement, les Gaulois n’aient fondé des temples, dressé des autels et érigé des statues à leurs dieux. Don Martin et le comte de Caylus ont fait graver plusieurs statues de divinités gauloises retrouvées enfouies dans la terre ; toutes portent l’empreinte des divinités romaines ; elles n’en sont même qu’une grossière imitation.

Ce qui reste de monumens purement gaulois, se réduit à une pierre informe placée sur le chemin de Poitiers, vers Bourges ; on doit y joindre quelques pierres énormes dans le Bas-Poitou, et d’autres en Basse-Bretagne, qui dessinent une espèce d’enceinte de cinquante pieds de long. On en retrouve encore dans ce même pays ; elles ressemblent à des pierres mortuaires que l’on n’aurait pas su tailler.

Le premier des monumens dont nous parlons, ne permet pas d’asseoir la moindre conjecture. Mais les pierres du Bas-Poitou présentent des quartiers de rocher si énormes, qu’on admet difficilement que les hommes soient parvenus à les transporter dans ce lieu. Peut-être y furent-elles jetées par quelque révolution du globe, comme le supposent des géologues.

Dans la Gaule Narbonnaise, on a trouvé des statues, des tombeaux et d’autres monumens antérieurs à Jules César. Nous savons que long-temps avant lui, cette partie de la Gaule fut soumise aux Romains et policée par les Grecs. Ces monumens deviennent encore une preuve que si l’on n’en rencontre point dans le reste de la Gaule, il n’y en a jamais eu.

On a même déterré des statues égyptiennes dans la Gaule Narbonnaise. Alexandrie faisait un grand commerce avec Marseille, et les marchands de l’Égypte avaient apporté sur les bords du Rhône des statues d’Isis et d’Anubis, comme les nôtres montrèrent des crucifix et des images de la Vierge sur les rives du Gange.

Il avait même pénétré dans les Gaules quelque chose de la religion des Mages, comme on le voit par les armoiries de l’ancienne Lutèce, qui ne sont autre chose que le vaisseau d’Isis. Ce vaisseau affecte une forme particulière, et l’on reconnaît certainement celui que montait la déesse pour aller à la recherche de son époux Osiris, mis à mort par Typhon ; allégorie ingénieuse que les druides devaient connaître.

Mais nous savons positivement par Tacite que nos ancêtres adoraient Isis. Elle était la déesse tutélaire de Lutèce, où elle avait des temples ; et l’on joignait toujours à son culte le vaisseau qui peint si bien son existence aventureuse, et semblait en quelque sorte la figurer aux yeux. Ce fut donc un symbole sous lequel les Parises rendirent hommage à la divinité protectrice de leur ville. Tous les historiens se sont mépris sur l’origine de ces armoiries.

Plusieurs écrivains de l’antiquité se plaisent à nous présenter les Gaulois comme des peuples industrieux. On ne peut douter qu’ils n’eussent de l’esprit et le germe de tous les talens ; mais l’esprit a besoin de culture, et l’acharnement des guerres soutenues par ces petites nations, étouffait chez elles le goût des arts au lieu de le développer.

Pline et ceux qui attribuent aux Gaulois l’invention de mettre des roues à la charrue, d’appliquer du plomb blanc sur le cuivre pour l’étamer, ne disent pas si l’on en est redevable aux Gaulois Cisalpins, déjà très-avancés dans la civilisation, du temps de ces auteurs, ou bien aux habitans de la