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mettre aussi en bataille, après avoir rassemblé sa cavalerie et rappelé ses travailleurs.

L’armée d’Espagne était composée de cinq vieilles légions, d’un grand nombre de troupes nationales, et d’une cavalerie mal disciplinée, intimidée même, fort inférieure, eu égard au nombre, à celle de César. L’infanterie légionnaire de cette armée fut mise sur deux lignes, et les Espagnols formèrent la troisième. César ne dit rien du poste que la cavalerie occupa dans cet ordre de bataille ; il est vraisemblable qu’Afranius n’osa pas la mettre en ligne, ni l’opposer à l’autre cavalerie, de peur qu’étant renversée, ses flancs ne demeurassent découverts. Cette raison lui fit étendre considérablement le front de son infanterie, comme on le voit par la disposition de toutes ses légions sur deux lignes. Il n’est pas douteux non plus qu’Afranius n’ait employé un certain nombre de ses cohortes à garantir les flancs de l’armée ; car ses ailes étaient en l’air et sans aucune protection.

On ne voit rien d’extraordinaire dans cet ordre de bataille, si ce n’est la formation d’une troisième ligne avec des troupes légères. Dans l’ancienne milice, on y mettait les plus vieux soldats de l’armée, et vers les derniers temps de la république, lorsque les triaires n’existaient plus, on se ménageait de bons corps de réserve, au moyen d’un certain nombre de cohortes tirées de chaque légion. Afranius s’écarta de cette maxime, et semble ici ne s’être occupé que d’assurer son front et ses deux flancs. On reconnaît encore qu’il voulait mettre son infanterie légère et sa cavalerie à l’abri du premier choc de la redoutable cavalerie de son adversaire, et qu’il espérait trouver l’occasion de les utiliser pendant l’action pour le tourner.

César rangea son armée d’une manière bien différente. Toute son infanterie pesante, composée également de cinq légions, fut mise sur trois lignes, dont la première présenta vingt cohortes de front ; la seconde et la troisième n’en avaient chacune que quinze.

Il y eut, selon cette disposition, quatre cohortes de chaque légion dans la première ligne, trois dans la seconde, et trois dans la troisième ; de sorte que les dix cohortes d’une légion étaient immédiatement placées les unes derrière les autres. Les intervalles de la seconde et de la troisième ligne se trouvaient plus grands que sur le front ; César y plaça tout ce qu’il avait de gens de trait, ses archers et ses frondeurs. La cavalerie, partagée en deux parties égales, se porta aux ailes.

La distance d’un camp à l’autre ne mesurait que deux mille pieds, et ce fut pourtant sur ce terrain d’une si petite étendue que chacun se mit en bataille, à la tête des retranchemens. Si l’on déduit la place que chaque armée occupait avec ses trois lignes, il ne reste qu’environ sept cents pieds entre les deux fronts, à peine autant qu’il en fallait pour se mettre en mouvement et aller au choc.

Quelque resserrée que fut cette distance, on était de part et d’autre bien résolu de ne la pas fanchir : Afranius, malgré sa détresse, n’osant quitter la protection de son camp, de peur d’être enveloppé par la terrible cavalerie de son adversaire ; César, parce qu’il voyait ses ennemis aux abois, sur le point de lui céder l’Espagne sans s’exposer à une mêlée qui ne pouvait qu’affaiblir ses troupes, et dont le résultat le plus avantageux ne devait pas amener une victoire complète, à cause

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