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de l’asile qu’offraient les retranchemens.

Les deux armées restèrent ainsi à s’examiner jusqu’au soir, et rentrèrent. Afranius tira cet avantage de sa manœuvre, qu’il empêcha le travail des lignes pour ce jour-là ; mais, d’autre part, cette démonstration suivie de si peu d’effet rassura César, qui pouvait tout craindre d’un ennemi réduit à la dernière extrémité.

Le lendemain, on recommença le travail, et bientôt il ne resta de libre aux généraux de Pompée que le seul passage qui conduisait à la rivière, passage gardé par la cavalerie de César, ce qui obligeait presque toute l’armée de se mettre en mouvement pour faire de l’eau. Cependant Afranius et Petreius furent sur le point de trouver leur salut dans cette circonstance même.

Nulle part la Sègre n’a des gués plus commodes ni plus sûre que dans ces environ, surtout lorsque les grandes eaux sont écoulées. Malheureusement les généraux de Pompée n’en étaient pas assez bien instruits, et crurent devoir s’en assurer par la sonde. Cette démarche trahit leur dessein.

Dès le moment que César en eut connaissance, non-seulement il renforça tous les postes établis en deçà de la rivière, mais il la fit aussi passer à la plus grande partie de sa cavalerie et à un corps d’infanterie légère de Germains ; de sorte qu’il fallut abandonner l’entreprise.

Après tant d’essais inutiles, il ne restait aucune chance aux généraux de Pompée. Privés d’eau, sans bois, sans vivres, sans fourrage, n’ayant pas même, avec des esprits découragés, la ressource de quelque coup de désespoir, Afranius et Petreius furent contraints d’en venir au point où César avait résolu de les amener.

Voyons quelle fut sa conduite : « Je ne demande que la paix, dit-il. Pourvu que ceux qui se sont déclarés contre moi sortent de la province, et s’engagent à ne plus rester au service de mes ennemis, je les laisse libres de se retirer. Je ne force personne à s’imposer l’obligation d’agir pour moi. Je regarde comme mes amis tous ceux qui se contenteront de ne me faire aucune injure. Quiconque en ce moment se trouve en mon pouvoir ne sera soumis qu’à ces conditions pour être libre. »

Les articles de cette capitulation devenaient faciles à régler. Mais plusieurs d’entre ceux qui composaient l’armée vaincue, quoique citoyens romains, avaient été enrôlés dans la province d’Espagne, dont ils étaient natifs ou colons ; d’autres, transportés de l’Italie, désiraient revoir leur patrie. Il fut décidé que les premiers seraient licenciés sur-le-champ, tandis que les autres marcheraient ensemble jusque sur les bords du Var, où on leur rendrait la liberté.

César se chargea de fournir des provisions pour cette route. Il voulut même que l’on rendît tout ce qui appartenait aux troupes d’Afranius ; et, pour engager les siens à la restitution, il paya le prix des effets au dessus de la valeur réelle.

Par cette mesure si bien combinée, César, allégeait son bagage, faisait à ses troupes une gratification, sans que l’on pût lui imputer pour motif le dessein de les corrompre, et cet acte de générosité lui gagnait les cœurs de ses anciens ennemis. Aussi l’armée vaincue porta devant lui ses plaintes contre ses propres officiers, et appela de leurs jugemens à César.

Un tiers à peu près de l’armée qui s’était rendue se détacha de ses ensei-