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Le découragement s’empara des bons esprits ; la haine divisa les villes, le fanatisme brouilla les familles ; l’empire se désunit de ses propres mains, et ses forces épuisées ne purent désormais le défendre contre les Barbares.

Ce n’était plus le génie de Rome qui agissait, génie actif, grave, imprimant à tout une majesté imposante. Constantinople était bâtie sur le territoire des Thraces, ce fut leur esprit qui prédomina ; esprit étroit, tracassier, querelleur, qui ensanglantait également les festins et les temples. Il se montra aussi destructif que celui de Rome avait été créateur.

Nous l’avons dit : au temps des Tarquins, lorsque Marseille s’éleva dans les Gaules, il n’y avait ni villes, ni peuples policés au delà du 42e ou 43e degré de latitude ; nous ajouterons ici qu’à l’époque de la fondation de Constantinople, on en trouvait jusqu’au 48e ou 49e degré. Le Rhin, le Danube, la mer Noire, formaient la barrière qui séparait les peuples agricoles des nomades.

Subjuguer et policer, dans une étendue de six degrés de latitude, avait été l’ouvrage de plus de neuf cents ans de gloire, de travaux continuels ; encore fallait-il, pour y parvenir, la constance, le courage et la fortune des Romains.

Du temps de Constantin, la terre était cultivée des rives du Sénégal et des cataractes du Nil jusqu’au Danube et au Rhin. Les côtes de la Méditerranée, en Afrique et en Europe, se trouvaient couvertes de villes magnifiques et l’Italie pouvait être regardée comme un vaste jardin orné de palais. L’Égypte, la Bulgarie, la Numidie lui envoyaient leurs moissons ; ce commerce enrichissait ces contrées alors surchargées d’habitants, et aujourd’hui presque désertes.

La Perse, moins riche, moins étendue et moins bien cultivée que l’empire romain, était le seul état qui osât prétendre à rivaliser avec lui. Les contemporains ont appelé ces deux empires, les yeux de l’univers.

Les royaumes de l’Inde, trop divisés, trop faibles, ne pouvaient leur être comparés ; et la Chine, qui influait sur leur destinée par ses conquêtes, se trouvait trop loin de Rome pour en être bien connue.

Observons que l’empire qui s’étendait en Europe jusqu’au Pont-Euxin, au Danube, aux embouchures du Rhin ; en Afrique, jusqu’au mont Atlas ; renfermait dans cette vaste enceinte tous les peuples agricoles de ces deux parties de la terre. Il était entouré au nord et au sud par des nomades ; mais les Bédouins qui erraient au pied de l’Atlas, les Maures et les Numides moitié indépendans, et toujours enclins à la vie pastorale, ne causaient aucune inquiétude aux Romains sur leurs possessions.

Au contraire, les nomades du côté du nord, Goths, Alains, Gépides, Francs, Germains, étaient des ennemis toujours actifs, et toujours prêts à franchir les frontières.

En Asie, le tableau des peuples agricoles et des nomades se présente bien différent. Les agriculteurs de l’Asie Mineure faisaient partie de l’empire romain, ils se trouvaient défendus par deux mers : au nord, on voit la mer Noire ; au midi, la Méditerranée.

Dans le reste de l’Asie, on ne pouvait compter de nations vraiment agricoles et policées, que les Perses, les Indiens, les Chinois, et peut-être les habitans du Thibet. L’Arménie et la Perse faisaient la communication de l’empire