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des issues et traversaient l’ordre de bataille sans causer aucun désastre. Cette manœuvre fut celle de Scipion à Zama. Régulus, à Tunis, fit aussi marcher plusieurs manipules l’un derrière l’autre, et forma de longues colonnes ; nous en parlerons ailleurs.

Telle fut la première ordonnance de la légion. À rangs et files ouverts, c’est-à-dire en donnant au soldat les six pieds marqués par Polybe, un manipule de princes ou de hastaires occupait quatre vingt-quatre pieds de front et soixante-quatre de profondeur. La distance de la première à la seconde ligne, et de la seconde à la troisième, mesurait environ cinquante pas romains (passus, faisant cinq de leurs pieds), ou à-peu-près trente-sept toises.

La troisième ligne se trouvait ainsi hors de la portée du javelot, qui était de quatre à cinq cents pieds ; mais les frondes et les flèches pouvaient y atteindre ; aussi voit-on les triaires mettre un genou en terre et se couvrir de leurs boucliers jusqu’au moment où ils doivent prendre part à l’action. D’après ces données, le cadre d’une légion avait seize cent quatre-vingt pieds romains de front, et six cent quatre vingt-douze de profondeur.

Tant que les Romains eurent à combattre les Carthaginois, les Grecs, les Asiatiques, ils ne pensèrent point à changer leur tactique ; mais l’impétuosité des Gaulois, la nombreuse cavalerie des Numides, la fureur des Cimbres et des Teutons, barbares qui se battaient corps à corps avec le sabre et la hache, devaient les engager à resserrer les petites troupes des manipules, afin de présenter un front plus compact.

Nous avons dit, qu’en plusieurs rencontres, ils avaient déjà été obligés de former la ligne pleine. Souvent on réunissait un manipule des trois espèces de soldats pesamment armés, et l’on en formait un corps nommé cohorte. Ce qui n’était qu’accidentel et lorsque le général le jugeait à propos, devint une règle fixe. On incorpora les manipules de hastaires, de princes, de triaires ; et chaque légion fut composée de dix cohortes, chacune de six centuries. Ce changement se fit vers le temps de Marius.

Auparavant, chaque cohorte se divisait en trois manipules, dont l’un, composé de hastaires, était en première ligne ; le second manipule, celui des princes, venait ensuite ; et le troisième, qui renfermait les triaires, formait la réserve ; en sorte qu’une même cohorte s’allongeait en profondeur avec deux intervalles, et que tous les manipules de même espèce, dans les diverses cohortes, présentaient une même ligne de bataille.

Marius fit disparaître ces divisions linéaires dans les cohortes. Les trois manipules de chacun de ces corps, au lieu d’être rangés les uns derrière les autres, furent placés sur un même front, et chaque ligne se forma de cohortes entières. Les vieux soldats passèrent de la queue à la tête ; le pilum devint l’arme de toute l’infanterie pesante de la légion, dans laquelle les vélites furent incorporés, et l’on confia l’emploi de fantassin léger à plusieurs nations distinguées par l’agilité du corps, nations que les Romains avaient alors dans leur empire, tels que les Maures, les Crétois, les Baléares, etc.

Dans le temps que les trois espèces de soldats subsistaient, chaque manipule était divisé en deux centuries, l’une de la droite, l’autre de la gauche. Le chef de la première centurie de chaque manipule (c’était celle de droite), prenait le titre de prior, par distinction du centurion de la seconde, qui s’appelait