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POLYBE, LIV. II.

Alpes, chaîne de montagne qui, depuis Marseille et les lieux qui sont au-dessus de la mer de Sardaigne, s’étend sans interruption jusqu’à l’extrémité de la mer Adriatique, à l’exception d’un petit terrain où elles finissent, avant que de se joindre à cette mer. C’est du pied de ces montagnes, qui doivent être regardées comme la hase du triangle, et du côté du midi, que commencent ces plaines dont nous avons à parler, plaines situées dans la partie septentrionale de l’Italie, et qui par leur fertilité et leur étendue surpassent tout ce que l’histoire nous a jamais appris d’aucun pays de l’Europe. Elles sont aussi en forme de triangle. La jonction des Apennins et des Alpes auprès de la mer de Sardaigne, au dessus de Marseille, fait la pointe du triangle. Les Alpes bornent le côté du septentrion à la longueur de 2 200 stades, et au midi sont les Apennins qui s’étendent à 3 600. La base de ce triangle est la côte du golfe Adriatique, et cette côte, qui s’étend depuis Sène jusqu’à l’extrémité du golfe, est longue de plus de 2 500 stades, en sorte que ces plaines ne renferment guère moins de 10 000 stades dans leur circonférence.

Pour la fertilité du pays, il n’est pas facile de l’exprimer. On y recueille une si grande abondance de grains, que nous avons vu le médemne de froment, mesure de Sicile, à quatre oboles, et le médemne d’orge à deux. Le métrète de vin s’y donne pour une égale mesure d’orge. Le mil et le panis y croissent à foison ; les chênes répandus çà et là fournissent une si grande quantité de glands, que, quoiqu’en Italie on tue beaucoup de porcs, tant pour la vie ordinaire que pour les provisions de guerre, cependant la plus grande partie se tire de ces plaines. Enfin les besoins de la vie y sont à si bon marché, que les voyageurs, dans les hôtelleries, ne demandent pas ce que leur coûtera chaque chose en particulier, mais combien il en coûte par tête ; et ils en sont souvent quittes pour un semisse, qui ne fait que la quatrième partie d’une obole ; rarement il en coûte davantage, quoiqu’on y donne suffisamment tout ce qui y est nécessaire. Je ne dis rien du nombre d’hommes dont ce pays est peuplé, ni de la grandeur et de la beauté de leur corps, ni de leur courage dans les actions de la guerre ; on en doit juger par ce qu’ils ont fait. Les deux côtés des Alpes, dont l’un regarde le Rhône et le septentrion, et l’autre les campagnes dont nous venons de parler, ces deux côtés, dis-je, sont habités, le premier par les Gaulois transalpins, et le second par les Taurisques, les Agones et plusieurs autres sortes de Barbares. Ces Transalpins ne sont point une nation différente des Gaulois ; ils ne sont ainsi appelés, que parce qu’ils demeurent au-delà des Alpes. Au reste, quand je dis que ces deux côtés sont habités, je ne parle que des lieux bas et des douces collines, car pour les sommets de ces montagnes, personne, jusqu’à présent, n’y a fixé son habitation ; la difficulté d’y monter, et les neiges dont ils sont toujours couverts, les rendent inhabitables. Tout le pays, depuis le commencement de l’Apennin, au dessus de Marseille, et sa jonction avec les Alpes, tant du côté de la mer de Tyrrhénie jusqu’à Pise, qui est la première ville de l’Étrurie au couchant, que du côté des plaines jusqu’aux Arretins, tout ce pays, dis-je, est habité par les Liguriens ; au delà sont les Tyrrhéniens, et après eux les Umbriens, qui occupent les deux versans de l’Apennin, après lesquels cette chaîne de montagnes, qui est éloignée de la mer Adriatique d’environ 500 stades, se courbant