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POLYBE, LIV. II.

rinthe aux Macédoniens contre le gré des habitants. On différa donc de délibérer sur ce point jusqu’à ce qu’on eût examiné quelles sûretés on pourrait donner.




CHAPITRE X.


Aratus rend l’Acrocorinthe à Antigonus. — Les Achéens prennent Argos. — Prise de plusieurs villes par Antigonus. — Cléomène surprend Messène.


Cléomène, ayant répandu la terreur de ses armes par les succès dont nous avons parlé, passait ensuite d’une ville à l’autre sans crainte, gagnant les unes par douceur, les autres par menaces. Après s’être ainsi emparé de Caphie, de Pellène, de Phenée, d’Argos, de Phlie, de Cléone, d’Épidaure, d’Hermione, de Trézène, et enfin de Corinthe, il alla camper devant Sicyone. Ces expéditions tirèrent les Achéens d’un très-grand embarras ; car, les Corinthiens ayant fait dire à Aratus et aux Achéens de sortir de la ville, et ayant député vers Cléomène pour la lui livrer, ce fut pour les Achéens une occasion favorable dont Aratus se servit heureusement pour céder l’Acrocorinthe à Antigonus. En lui donnant cette place, la maison royale n’avait plus rien à lui reprocher ; il donnait une sûreté suffisante de la fidélité avec laquelle il agirait envers Antigonus par la suite, et outre cela il fournissait à ce roi une place de guerre contre les Lacédémoniens. Dès que Cléomène eut avis du traité fait entre Antigonus et les Achéens, il leva son camp de devant Sicyone, alla le mettre à l’isthme, et fit entourer d’un fossé et d’un retranchement tout l’espace qui est entre l’Acrocorinthe et les monts Oniens, se tenant déjà comme assuré de l’empire du Péloponnèse.

Antigonus se tenait prêt depuis long-temps et n’attendait que l’occasion d’agir, jugeant bien, sur les conjonctures présentes, que Cléomène et son armée n’étaient pas loin. Il était encore dans la Thessalie, lorsqu’il envoya dire à Aratus et aux Achéens de s’acquitter de ce qu’ils lui avaient promis. Il vint ensuite par l’Eubée à l’isthme. Car les Étoliens, non contens de ce qu’ils avaient fait, voulurent encore empêcher Antigonus de porter du secours. Ils lui défendirent de passer avec son armée dans Pyle, et lui dirent que, s’il le faisait, ils s’y opposeraient à main armée. Ces deux capitaines marchaient donc l’un contre l’autre, Antigonus s’efforçant d’entrer dans le Péloponnèse, et Cléomène tâchant de lui en fermer l’entrée. Malgré les pertes qu’avaient faites les Achéens, ils n’abandonnèrent pas pour cela leur premier projet, et ne cessèrent pas d’espérer une meilleure fortune. Mais, dès qu’un certain Argien, nommé Aristote, se fut déclaré contre le parti de Cléomène, ils coururent à son secours, et, sous la conduite de Timoxène, prirent par adresse la ville d’Argos. C’est à ce succès qu’on doit principalement attribuer l’heureux changement qui se fit dans les affaires des Achéens. Ce fut là ce qui arrêta l’impétuosité de Cléomène, et ralentit le courage de ses soldats, comme il est aisé de voir par la suite ; car, quoiqu’il se fût emparé le premier des postes les plus avantageux, qu’il eût des vivres et des munitions en plus grande quantité qu’Antigonus, qu’il fût plus hardi et plus avide de gloire, cependant il n’eut pas plus tôt appris que la ville des Argiens avait été emportée par les Achéens, qu’il oublia ses premiers succès et se mit en marche, et fit une retraite fort semblable à une fuite, dans la crainte que les ennemis ne l’envelop-