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POLYBE, LIV. II.

aux ennemis, et inspiré de la confiance à ses troupes ; il pourrait sans danger se retirer dans son pays. Tout cela ne manqua pas d’arriver comme il l’avait prévu. Les Argiens ne purent voir sans impatience leur pays saccagé ; assemblés par troupes, ils blâmaient hautement la conduite d’Antigonus. Ce prince, en grand capitaine, ne voulant rien entreprendre qu’avec bonne raison, se tint en repos. Cléomène, suivant son projet, ravage le pays, et par là jette l’épouvante parmi les ennemis, encourage ses troupes contre le péril, et retourne dans son pays sans avoir rien eu à souffrir.

L’été venu, les Macédoniens et les Achéens étant sortis de leurs quartiers, Antigonus se mit à la tête de son armée, et s’avança vers la Laconie. Il avait avec lui une phalange de Macédoniens composée de dix mille hommes, trois mille rondachers, trois cents chevaux ; mille Agrianiens et autant de Gaulois ; des étrangers au nombre de trois mille fantassins et trois cents chevaux, autant de fantassins et de cavaliers du côté des Achéens, tous hommes choisis, et mille Mégalopolitains, armés à la façon des Macédoniens, et commandés par Cercidas, un de leurs citoyens. Les alliés étaient les Béotiens, au nombre de deux mille hommes de pied et deux cents chevaux ; mille fantassins et cinquante chevaux des Épirotes ; autant d’Acarnaniens, et seize cents Illyriens que commandait Demetrius de Pharos ; en sorte que toute cette armée montait à vingt‑huit mille hommes de pied et douze cents chevaux. Cléomène, s’attendant à cette irruption, avait fortifié tous les passages par des gardes, des fossés et des abattis d’arbre, et avait mis son camp à Sélasie, ayant environ vingt mille hommes. Il conjecturait sur de bonnes raisons que ce serait par là que les ennemis s’efforceraient d’entrer dans le pays ; en quoi il ne fut pas trompé. Le détroit est formé par deux montagnes, dont l’une s’appelle l’Éva et l’autre l’Olympe. Le fleuve Œnus coule entre les deux, et sur le bord est le chemin qui conduit à Sparte. Cléomène, ayant tiré une ligne devant ces montagnes avec un retranchement, posta sur le mont Éva son frère Euclide à la tête des alliés, et se mit, lui, sur le mont Olympe avec les Lacédémoniens et les étrangers. Au bas, le long du fleuve, des deux côtés il logea de la cavalerie avec une partie des étrangers.

Antigonus, en arrivant, voit que tous les passages étaient fortifiés, et que Cléomène avait assigné avec tant d’habileté les bons postes aux parties de son armée les plus propres à les défendre, que son camp ressemblait à un gros de soldats sous les armes et prêts à combattre ; qu’il n’avait rien oublié pour se mettre également en état d’attaquer et le défendre ; qu’enfin la disposition de son camp était aussi avantageuse que les approches en étaient difficiles. Tout cela lui fit perdre l’envie d’attaquer l’ennemi et d’en venir sitôt aux mains. Il alla camper à peu de distance, et se couvrit du Gorgyle. Il resta là pendant quelques jours à reconnaître la situation les différens postes, et le caractère des nations qui composaient l’armée ennemie. Quelquefois il faisait mine d’avoir certains desseins, et tenait en suspens les ennemis sur ce qu’il devait exécuter. Mais comme ils étaient partout sur leurs gardes, et que tous les côtés étaient également hors d’insulte, l’on convint enfin de part et d’autre qu’il en fallait venir à une bataille décisive. Il plut à la fortune de mettre aux mains ces deux grandes armées, qui ne cédaient en rien l’une à l’autre.