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POLYBE, LIV. III.

ter, et choisit entre ses sujets six mille des hommes les plus braves pour garder Pharos. Le consul romain arrive dans l’Illyrie, et comme les ennemis comptaient beaucoup sur la force de Dimale, qu’ils croyaient imprenable, et sur les provisions qu’ils avaient faites pour la défendre, il résolut, pour étonner les ennemis, d’ouvrir la campagne par le siége de cette ville. Il exhorte les chefs chacun en particulier, et pousse les ouvrages en plusieurs endroits avec tant de chaleur, qu’au septième jour la ville fut prise d’assaut. C’en fut assez pour faire tomber les armes des mains des ennemis. Ils vinrent aussitôt de toutes les villes se rendre aux Romains, et se mettre sous leur protection. Le consul les reçut tous aux conditions qu’il crut les plus convenables, et aussitôt mit à la voile pour aller à Pharos attaquer Demetrius même. Mais ayant appris que la ville était forte, que la garnison était nombreuse et composée de soldats d’élite, et qu’elle avait des vivres et des munitions en abondance, il craignit que le siége ne fût difficile et ne traînât en longueur. Pour éviter ces inconvéniens, il eut recours à un stratagème. Il prit terre pendant la nuit dans l’île avec toute son armée. Il en cacha la plus grande partie dans des bois et dans des lieux couverts, et, le jour venu, il se remit en mer, et entra tête levée dans le port le plus voisin de la ville avec vingt vaisseaux. Demetrius l’aperçut, et, croyant se jouer d’une si petite armée, il marcha vers ce port pour s’opposer à la descente des ennemis. À peine en fut-on venu aux mains, que, le combat s’échauffant, il arrivait continuellement de la ville des troupes fraîches au secours. Enfin toutes se présentèrent au combat. Ceux des Romains qui avaient débarqué pendant la nuit, s’étant mis en marche par des lieux couverts, arrivèrent en ce moment. Entre la ville et le port il y a une hauteur escarpée : ils s’en emparèrent, et arrêtèrent de là ceux qui de la ville venaient pour soutenir les combattans. Alors Demetrius ne songea plus à empêcher le débarquement ; il assembla ses troupes, les exhorta à faire leur devoir, et les mena vers la hauteur, dans le dessein de combattre en bataille rangée. Les Romains, qui virent que les Illyriens approchaient avec impétuosité et en bon ordre, vinrent sur eux, et les chargèrent avec une vigueur étonnante. Pendant ce temps-là les Romains qui venaient de descendre à terre, attaquaient aussi par derrière. Les Illyriens, enveloppés de tous côtés, se virent dans un désordre et une confusion extrêmes. Enfin, pressés de front et en queue, ils furent obligés de prendre la fuite. Quelques-uns se sauvèrent dans la ville, la plupart se répandirent dans l’île par des chemins écartés. Demetrius monta sur des frégates qu’il avait à l’ancre dans des endroits cachés, et, faisant voile pendant la nuit, arriva heureusement chez Philippe, où il passa le reste de ses jours. C’était un prince hardi et brave, mais d’une bravoure brutale et sans prudence. La fin de sa vie ne démentit point son caractère. Il périt à Messène, qu’il avait entrepris de prendre du consentement de Philippe, pour s’être exposé témérairement dans un combat. Mais nous parlerons de tout cela en détail, lorsqu’il en sera temps.

Émilius, après cette victoire, entra d’emblée dans Pharos, et la rasa : puis, s’étant rendu maître du reste de l’Illyrie, et y ayant donné ses ordres, l’été fini, il revint à Rome, et y entra en triomphe. On lui fit tous les honneurs, et il reçut tous les applaudissemens que