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POLYBE, LIV. III.

récit que je vais faire, il est à propos que j’indique de quel endroit partit Annibal, par où il passa, et en quelle partie de l’Italie il arriva. Pour cela il ne faut pas se contenter de nommer par leurs noms les lieux, les fleuves et les villes, comme font quelques historiens, qui s’imaginent que cela suffit pour donner une connaissance distincte des lieux. Quand il s’agit de lieux connus, je conviens que, pour en renouveler le souvenir, c’est un grand secours que d’en voir les noms ; mais quand il est question de ceux qu’on ne connaît point du tout, il ne sert pas plus de les nommer que si l’on faisait entendre le son d’un instrument, ou toute autre chose qui ne signifierait rien ; car, l’esprit n’ayant pas sur quoi s’appuyer, et ne pouvant rapporter ce qu’il entend à rien de connu, il ne lui reste qu’une notion vague et confuse. Il faudrait donc trouver une méthode par laquelle on conduisît le lecteur à la connaissance des choses inconnues, en les rapportant à des idées solides et qui lui seraient familières.

La première, la plus étendue et la plus universelle notion qu’on puisse donner, c’est celle par laquelle on conçoit, pour peu d’intelligence que l’on ait, la division de cet univers en quatre parties, et l’ordre que ces parties gardent entre elles, savoir : l’orient, le couchant, le midi et le septentrion. Une autre notion, c’est celle par laquelle, plaçant par l’esprit les différens endroits de la terre sous quelqu’une de ces quatre parties, nous rapportons les lieux qui nous sont inconnus à des idées connues familières. Après avoir fait cela pour le monde en général, il n’y a plus qu’à partager de la même manière la terre que nous connaissons. Celle-ci est partagée en trois parties : la première est l’Asie, la seconde l’Afrique, la troisième l’Europe. Ces trois parties se terminent au Tanaïs, au Nil et au détroit des colonnes d’Hercule. L’Asie contient tout le pays qui est entre le Nil et le Tanaïs, et sa situation par rapport à l’univers est entre le levant d’été et le midi. L’Afrique est entre le Nil et les colonnes d’Hercule, dans cette partie de l’univers qui est au midi et au couchant d’hiver jusqu’au couchant équinoxial, qui tombe aux colonnes d’Hercule. Ces deux parties, considérées en général, occupent le côté méridional de la mer Méditerranée, depuis l’orient jusqu’au couchant.

L’Europe, qui leur est opposée, s’étend vers le septentrion, et occupe tout cet espace depuis l’orient jusqu’au couchant. Sa partie la plus considérable est au septentrion entre le Tanaïs et Narbonne, laquelle au couchant n’est pas fort éloignée de Marseille, ni des embouchures par lesquelles le Rhône se décharge dans la mer de Sardaigne. C’est à partir de Narbonne et autour du Rhône jusqu’aux monts Pyrénées qu’habitent les Gaulois, depuis la Méditerranée jusqu’à l’Océan. Le reste de l’Europe, depuis ces montagnes jusqu’au couchant et aux colonnes d’Hercule, est borné en partie par notre mer et en partie par la mer extérieure. La partie qui est le long de la Méditerranée jusqu’aux colonnes d’Hercule, s’appelle Ibérie. Le côté qui est sur la mer extérieure ou la grande mer, n’a point encore de nom connu, parce que ce n’est que depuis peu qu’on l’a découvert. Il est occupé par des nations barbares, qui sont en grand nombre, et dont nous parlerons en particulier dans la suite. Or, comme personne jusqu’à nos jours n’a pu distinguer clairement si l’Éthiopie, où l’Asie et l’Afrique se joignent, est un