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Les extraordinaires qui n’avaient pas de poste fixe, pouvaient entrer alors dans la seconde ligne pour la rendre un peu plus forte ; ces troupes servaient aussi sur les ailes afin d’étendre la ligne de bataille ; quelquefois on leur confiait la garde du camp.

Pendant les premiers siècles de l’empire, les troupes ayant subi des modifications qui ne touchaient point au fond de la constitution, les marches étaient ordonnées à-peu-près comme du temps de César et même de Polybe. Quand on ne craignait aucun danger et que l’on s’avançait dans le dessein d’aller prendre un camp, l’armée était ordinairement composée d’une seule colonne qui suivait la route la plus facile. Mais quand on allait combattre, ou que l’on se trouvait dans des circonstances périlleuses, on prenait des dispositions propres à la marche et au combat. Incessit itineri et prœlio, dit Tacite, en racontant la marche de Germanicus.

Tout changea pendant le cours de la décadence. L’introduction des machines de guerre dans la légion dut nécessairement embarrasser son ordonnance, détruire la mobilité sur laquelle sa force reposait en grande partie, attaquer enfin le moral du soldat en l’habituant à porter sa confiance ailleurs qu’en lui-même. L’homme est moins timide en rase campagne que derrière un parapet.

Il ne nous reste aucun écrit de ces vieux tacticiens latins qui devaient expliquer l’ordonnance de la légion et ses diverses manières de manœuvrer avec autant de clarté qu’Élien et Arrien nous ont détaillé la phalange. Végèce qui vivait dans un temps où l’ancienne tactique n’était plus en usage, ne paraît pas avoir eu le génie nécessaire pour mettre en œuvre les excellens ouvrages qu’il pouvait consulter ; aussi les instructions qu’il nous donne pour les marches, bien qu’elles soient bonnes, ne nous mettent-elles pas au fait de la pratique des anciens par rapport à cette importante partie de la science.

Un chapitre de Végèce, qui traite des ordres de bataille, mérite ici notre attention. C’est ce chapitre qui a fait tant de bruit, et que l’on regarde comme le plus savant de son ouvrage, mais nos lecteurs reconnaîtront bien vite que les ordres de bataille décrits par Végèce ont été employés par les généraux grecs long-temps avant l’établissement de la milice romaine.

Quelques-unes des évolutions dont il parle n’avaient même aucune analogie avec l’ordonnance légionnaire ; c’étaient de pures manœuvres de la phalange. Cuneus, qui voulait dire coin, a été employé par les Romains sous la forme d’une colonne, disposition qui a plus de hauteur que de front ; ils s’en seront servi dans des cas extraordinaires pour percer et se tirer d’un mauvais pas ; mais non en pleine bataille, selon la manière donnée par Végèce, qui ne s’aperçoit pas que l’usage qu’il fait de cette manœuvre ne peut convenir qu’à la tactique des Grecs. C’est l’embolon dont nous avons parlé ailleurs, lequel formait une sorte de triangle un peu tronqué sur la pointe d’attaque. On lui opposait la tenaille, celembolon ou forceps, dans la langue de Végèce, c’est-à-dire une phalange brisée à angle rentrant qui embrassait le coin.

La lutte que les Romains soutinrent contre Pyrrhus et la première guerre punique qui suivit d’assez près, leur avaient ouvert une communication avec la Grèce et l’Afrique. Les livres Grecs ne tardèrent pas à s’introduire dans Rome où ils répandirent de nouvelles idées sur l’art de la guerre.

Les manœuvres de la légion étaient simples, en petit nombre, déterminées