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donner à un général qui ne sait pas tirer parti d’un pareil avantage.

Outre ce premier ordre, qui est la véritable acies quadrata des Romains, Végèce en rapporte six autres qui furent également en usage dans leurs armées. Voici la disposition du second qu’il appelle oblique, et qu’il regarde avec raison comme l’un des meilleurs.

« Dans l’instant où les deux armées s ébranlent, éloignez votre gauche de la droite de l’ennemi, hors de la portée de toutes ses armes. Que votre droite, composée de ce que vous avez de meilleur, tant en infanterie qu’en cavalerie, tombe sur sa gauche, la joigne corps à corps, la pénètre ou l’enveloppe de façon à pouvoir la prendre en queue. Si vous parvenez à la chasser de son terrain, vous remporterez une victoire complète et certaine avec le reste de votre aile droite et de votre centre, qui tomberont en même temps sur l’ennemi, tandis que votre gauche, tranquille et sans danger, tiendra sa droite comme en échec. Supposez que votre adversaire ait eu recours le premier à cette disposition savante, vous pouvez soutenir votre gauche par un détachement considérable de la réserve, afin de balancer par la force les avantages de l’art. »

Le troisième ordre, conseillé par Végèce, est l’oblique inverse, refusant la droite et attaquant par la gauche. « Si votre gauche, dit-il, se trouvait plus forte que votre droite, fortifiez-la encore par des fantassins et des cavaliers d’élite. Après avoir éloigné votre droite hors de l’épée et même des traits de l’ennemi, tombez tout-à-coup par votre gauche sur sa droite, et tâchez de l’envelopper. Mais prenez garde que, pendant ces mouvemens, votre centre, nécessairement découvert, ne soit pris en flanc, et enfoncé par des coins. »

Végèce regarde ce troisième ordre comme plus faible et plus périlleux que l’autre, et n’en conseille l’usage qu’avec beaucoup de circonspection. Il ne dit pas quels motifs le font penser ainsi, mais nous les trouvons dans l’armement des troupes grecques et Romaines. Ces peuples portant leur bouclier sur le bras gauche, s’en servaient pour se couvrir lorsqu’ils obliquaient sur la droite. Il n’en était pas de même en marchant vers la gauche, puisque alors leur côté droit restait exposé aux traits de l’ennemi. Il devient évident que ces considérations disparaissent avec l’organisation des troupes modernes, et qu’aujourd’hui l’ordre oblique peut s’employer avec une égale chance de succès, de quelque côté que l’on porte l’attaque.

On trouve dans l’antiquité beaucoup d’exemples de ces deux dispositions. La deuxième bataille de Mantinée, décrite dans l’Essai sur la Tactique des Grecs ; celle du Métaure, dont nous parlerons plus tard, peuvent être citées comme les plus mémorables.

Végèce prescrit ainsi sa quatrième disposition : « Dès que vous serez arrivé en bataille, à quatre ou cinq cents pas de l’ennemi, que vos ailes se détachent et fondent vivement sur les siennes. Vous pouvez l’effrayer par ce mouvement rapide auquel il ne s’attend pas, le mettre en fuite, remporter une pleine victoire, surtout si vos ailes sont vigoureuses ; mais si l’ennemi en soutient le premier choc, il aura beau jeu pour battre vos ailes séparées du centre, qui restera lui-même à découvert sur ses flancs. »

Nous avons déjà signalé la bataille d’Ilinga qui montre une application savante de ce quatrième ordre indiqué par Végèce. Le résultat des batailles de la Trebbia et de Cannes, présente la même disposition.