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POLYBE, LIV. III.

pour l’opposer à la cavalerie romaine ; et ensuite, sur la même ligne, une moitié de l’infanterie africaine pesamment armée ; l’infanterie espagnole et gauloise ; l’autre moitié de l’infanterie africaine ; et enfin la cavalerie numide qui formait l’aile droite.

Après qu’il eut ainsi rangé toutes ces troupes sur une seule ligne, il marcha au-devant des ennemis avec l’infanterie espagnole et gauloise, qui se détacha du centre du corps de bataille ; et comme elle était jointe en droite ligne avec le reste, en se séparant, elle forma comme le convexe d’un croissant, ce qui ôta au centre beaucoup de sa hauteur ; le dessein du général étant de commencer le combat par des Espagnols et les Gaulois, et de les faire soutenir par les Africains.

Cette dernière infanterie était armée à la romaine, ayant été revêtue par Annibal des armes qu’on avait prises sur les Romains dans les combats précédens. Les Espagnols et les Gaulois avaient le bouclier ; mais leurs épées étaient fort différentes. Celle des premiers n’était pas moins propre à frapper d’estoc que de taille ; au lieu que celle des Gaulois ne frappe que de taille, et à certaine distance. Ces troupes étaient rangées par sections alternativement ; les Gaulois nus, les Espagnols couverts des chemises de lin couleur de pourpre, ce qui fut pour les Romains un spectacle extraordinaire qui les épouvanta. L’armée des Carthaginois était de dix mille chevaux, et d’un peu plus de quarante mille hommes de pied.

Émilius commandait à la droite des Romains, Varron à la gauche ; les deux consuls de l’année précédente, Servilius et Atilius étaient au centre. Du côté des Carthaginois, Asdrubal avait sous ses ordres la gauche, Hannon la droite et Annibal ayant avec lui Magon, son frère, s’était réservé le commandement du centre. Ces deux armées n’eurent rien à souffrir du soleil, lorsqu’il fut levé : l’une étant tournée au midi, comme je l’ai remarqué, et l’autre au septentrion.

L’action commença par les troupes légères, qui de part et d’autre étaient devant le front des deux armées ; ce premier choc ne donna aucun avantage à l’un ni à l’autre parti. Mais dès que la cavalerie espagnole et gauloise de la gauche se fut approchée, le combat s’échauffant, les Romains se battirent avec furie, et plutôt en Barbares qu’en Romains ; car ce ne fut point tantôt en reculant, tantôt en revenant à la charge selon les lois de leur tactique ; à peine en furent-ils venus aux mains, qu’ils sautèrent de cheval, et saisirent chacun son adversaire. Cependant les Carthaginois eurent le dessus. La plupart des Romains demeurèrent sur la place, après s’être défendus avec la dernière valeur ; le reste fut poursuivi le long du fleuve, et taillé en pièces sans pouvoir obtenir de quartier.

L’infanterie pesamment armée prit ensuite la place des troupes légères et en vint aux mains. Les Espagnols et les Gaulois tinrent ferme d’abord et soutinrent le choc avec vigueur ; mais ils cédèrent bientôt à la pesanteur des légions, et, ouvrant le croissant, tournèrent le dos et se retirèrent. Les Romains les suivent avec impétuosité, et rompent d’autant plus aisément la ligne gauloise, qu’ils se serraient tous des ailes vers le centre où était le fort du combat ; car toute la ligne ne combattit point en même temps, mais ce fut par le centre que commença l’action ; parce que les Gaulois étant rangés en forme de croissant, laissèrent les ailes loin derrière eux, et présentèrent le convexe