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POLYBE, LIV. IV.

temps, et dont j’ai parlé dans le premier livre, afin que l’on suive plus facilement le fil de ma narration, et qu’on soit plus frappé des choses qu’elle contient.

Pour revenir à Philippe, pendant ses quartiers d’hiver dans la Macédoine il s’appliqua surtout à lever des troupes, et à mettre son royaume en sûreté contre les Barbares qui le menaçaient. Il eut aussi une conférence seul à seul avec Scerdilaïdas, pour le porter à se joindre aux autres alliés et à lui. Celui‑ci se laissa d’abord gagner par les promesses que le roi lui fit de l’aider à mettre ordre aux affaires d’Illyrie, et par le mal qu’il lui dit des Étoliens, dont on n’en pouvait assez dire. Les injustices qui se font d’état à état ne diffèrent de celles que les particuliers se font les uns aux autres, qu’en ce que les premières sont en plus grand nombre et d’une plus grande conséquence. À l’égard des sociétés particulières qui lient entre eux les brigands et les voleurs, elles ne se détruisent pour l’ordinaire que parce que ceux qui les composent ne s’en tiennent pas aux conventions qu’ils ont faites. C’est ce qui arriva alors aux Étoliens. Ils étaient convenus avec Scerdilaïdas qu’il aurait une partie du butin, s’il se jetait avec eux sur l’Achaïe. Il se laissa persuader, et fit ce qu’on demandait de lui. Les Étoliens pillent Cynèthe, ils font un riche butin d’hommes et de troupeaux, et ne pensent seulement pas à lui dans le partage de ces dépouilles. Dans l’indignation où il était, Philippe n’eut besoin que de lui rappeler en peu de mots dans la mémoire l’infidélité des Étoliens. Il exigea néanmoins qu’on lui donnât vingt talens chaque année, et trente frégates pour attaquer les Étoliens par mer.




CHAPITRE VIII.


Les Acarnaniens entrent dans l’alliance. — Éloge de ce peuple. — Mauvaise foi des Épirotes. — Fautes que font les Messéniens en ne se joignant pas aux autres alliés. — Avis important aux Péloponnésiens.


Pendant que Philippe travaillait de son côté, les députés envoyés aux alliés allèrent d’abord dans l’Acarnanie, et présentèrent le décret. Il fut universellement approuvé et ratifié. Les Acarnaniens coururent aussitôt aux armes, quoiqu’il n’y eût pas de peuple qui pût plus légitimement s’en dispenser, affecter des délais et craindre de se brouiller avec ses voisins. Outre que l’Acarnanie est limitrophe de l’Étolie, rien n’est plus aisé à conquérir que cette province, et, peu de temps avant cette guerre, leur haine pour les Étoliens leur avait attiré de très-grands maux. Mais les gens bien nés s’exposent à tout, sacrifient tout pour le devoir. Or, quelque faibles que soient par eux‑mêmes les Acarnaniens, il n’y a pas de peuple, parmi les Grecs, qui ait le devoir plus à cœur. On peut hardiment compter sur eux dans les plus fâcheuses conjonctures ; on ne voit nulle part dans la Grèce plus d’amour pour la liberté, et plus de fermeté pour s’y maintenir.

Les Épirotes écoutèrent les députés et ratifièrent le décret ; mais, lâches et de mauvaise foi, ils convinrent en même temps qu’ils attendraient pour faire la guerre aux Étoliens, que le roi la leur fît, et aux députés des Étoliens, ils dirent qu’ils voulaient vivre en paix avec eux. On envoya aussi des députés vers le roi Ptolémée, et on le pria de n’aider, ni d’argent ni d’autres munitions, les Étoliens contre Philippe et les alliés.

Pour les Messéniens, quoique ce fût pour eux que l’on avait entrepris cette