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nipule, qui, après en avoir pris connaissance, la donnait, en présence de témoins, au centurion du manipule correspondant, dans la cohorte supérieure ; celui-ci agissait de même, et aussi les autres centurions, jusqu’à ce que la tessère fût revenue entre les mains du tribun ; car tous les manipules du même genre campaient, comme nous l’avons dit, sur la même ligne à la queue l’un de l’autre, depuis la première cohorte jusqu’à la dixième ; et le tribun était placé à la tête des lignes, vis-à-vis la première cohorte.

Il fallait que la tessère fût revenue avant le soleil couché. S’il en manquait une, le tribun faisait aussitôt des recherches, et punissait celui qui l’avait retenue. Chaque tessère portait la marque du corps auquel elle était adressée.

Les tesseraires étaient encore chargés de porter au tribun la liste des soldats de leur corps, en même temps qu’ils allaient demander l’ordre. Le tribun remettait cette liste au général ; car comme il pouvait tous les jours manquer quelque soldat, soit pour cause de maladie, soit par les autres accidens de la guerre, les Romains voulaient que le général fût informé au juste du nombre effectif des hommes qu’il commandait.

Il y avait d’autres tessères pour les sentinelles ; elles étaient remises par le tribun aux soldats destinés à faire la première veille. Ces tablettes, au nombre de quatre, empreintes chacune d’un numéro distinctif qui marquait l’heure, et d’un autre numéro pour désigner le poste, devaient passer successivement jusqu’à ceux qui veillaient les derniers.

Quatre cavaliers par légion étaient nommés pour faire les rondes (un pendant chaque veille). Le tribun leur donnait par écrit le nom des postes qu’ils devaient parcourir, soit dans l’intérieur du camp, ou bien autour du rempart.

lis commençaient par le premier manipule des triaires, dont le centurion faisait sonner le cornet afin d’avertir les autres. Chaque station remettait sa tablette au rondeur. La police des veilles suivantes se faisait de la même manière.

Le matin, les cavaliers rapportaient toutes les tablettes au tribun. Si quelqu’une manquait, il connaissait d’abord de quelle station ; et l’on vérifiait, en la confrontant avec le rondeur, si celui-ci ne l’avait point visitée, ou si seule elle était coupable.

Les tribuns devenaient juges de leur légion ; ils rendaient la justice dans la place d’armes, à la tête du camp. Il paraît qu’il n’y avait point d’appel à leurs sentence. Lorsque le général rendait lui-même la justice, les tribuns étaient ses assesseurs.

Comme les fonctions de tribuns embrassaient toute la discipline de la légion, et que leur rang les élevait d’ailleurs au-dessus de officiers de ce corps, du temps de la république il n’y avait entre lui et le général de l’armée que le questeur et le lieutenant-général.

Les devoirs du tribunal demandaient de la maturité et de la vigueur ; aussi se fit-on long-temps une loi de n’y admettre que des gens de résolution et d’expérience. Sous les consuls il fallait du moins avoir cinq ans de service dans la cavalerie et dix dans l’infanterie ; toutefois dans ce temps-là même où la faveur, cette ennemie des lois et du bien public, avait moins de pouvoir pour introduire des exceptions, on voit, de temps en temps, des jeunes gens devenir tribuns avant l’âge.

Sur la fin de la république on se relâcha de cette règle comme de toutes les autres. Hortensius, l’orateur, soldat, pendant un an, devint tribun l’année suivante. Ce fut encore bien pis pendant