Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
— 56 —

les guerres civiles. La qualité de bel esprit est le seul titre qui fit parvenir Horace au tribunat. Cette dignité si hasardée servit, il est vrai, à fournir la matière de ces vers agréables par lesquels il avoue ingénuement sa poltronerie.

Dans les guerres importantes et périlleuses, on nommait souvent à cet emploi des sénateurs, et même des personnages consulaires. À la bataille de Cannes, il resta sur la place vingt-un tribuns, dont plusieurs avaient été édiles, prêteurs et consuls. Mais ordinairement le tribunat devenait un grade pour monter aux emplois civils dont le premier était la questure. Cette charge ouvrait l’entrée au sénat.

Un des ornemens des tribuns était l’épée nommée perazonium. Ils portaient l’anneau d’or, et recevaient une paye quadruple de celle du soldat. Le centurion n’avait que le double.

Juvenal, voulant exprimer les fortes sommes qu’un débauché prodiguait à des femmes perdues, dit qu’il leur distribuait la paye d’un tribun. Cependant une solde quadruple de celle du légionnaire ne montait pas encore assez haut pour donner matière à l’indignation de Juvénal ; mais ce poète tenait compte des largesses extraordinaires qui se répandaient alors dans les triomphes, les changemens de règne, ou les événemens heureux ; largesses qui ne laissaient pas que d’être considérables pour les gens de guerre, et montaient certainement beaucoup au-dessus de leur paye.

Romulus, ayant tiré mille hommes de chacune des tribus pour composer sa milice, créa trois tribuns par légion. L’autorité de ces trois chefs était égale ; ils se partageaient entre eux les six mois que durait ordinairement la campagne, c’est-à-dire qu’ils commandaient chacun deux mois, et n’avaient rien à ordonner pendant le temps qui s’écoulait ensuite. Lorsqu’on ajouta trois autres tribuns aux premiers, ils se partagèrent encore le commandement pendant deux mois ; mais alors les légions restaient sous les armes jusqu’à ce que la guerre fût terminée.

Cette alternative de commandement, ce partage égal d’autorité, paraissent bien incompréhensibles chez un peuple qui avait fait de la guerre l’art principal sûr lequel il fondait sa grandeur future, et à qui il importait de prendre les mesures les plus justes et les plus sages pour s’assurer des succès.

La dignité de tribun ne fut pas toujours honorable sous les empereurs. Hérodien leur attribue les exécutions meurtrières du temps dont il fait l’histoire. Cette obéissance servile à des ordres si souvent inhumains, déconsidéra sans doute ce noble office, et le tribunat teint de sang dut perdre de son ancien éclat.

Dans la première simplicité de la milice romaine tout est clair et distinct ; chaque grade a sa dénomination qui le caractérise. Le même nom se prête plus tard à plusieurs fonctions. Il n’y avait d’abord dans les légions romaines qu’une seule espèce de tribuns que l’on appelait préfets dans les légions alliées. On vit dans la suite paraître d’autres officiers qui s’élevèrent au-dessus d’eux, et qui sans leur ôter le commandement général de la légion, prirent sur elle une autorité supérieure. Tels furent, entre autres, les légats et les maîtres de la milice. Ces nouvelles dignités semblent avoir été plus honorables qu’utiles, et l’on pourrait croire que les empereurs les créèrent seulement pour multiplier les faveurs.

Du temps de Polybe, les tribuns nommaient les centurions, et leur choix était déterminé par les services et la réputation de valeur ; cependant ces ca-