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POLYBE, LIV. IX.

pour raconter ce qui s’est fait dans un temps, on n’a que faire de rapporter ce qui s’est passé auparavant dans un autre. L’autre raison, c’est parce que cette manière d’écrire l’histoire, n’a pas seulement toujours été, mais, est surtout de nos jours, la plus utile de toutes. En effet, nous sommes dans un siècle où les sciences et les arts ont fait de si grands progrès, que ceux qui les aiment, en quelque circonstance qu’ils se trouvent, peuvent en tirer des règles de conduite. C’est pourquoi, songeant moins au plaisir qu’à l’utilité des lecteurs, nous n’avons rien voulu mettre dans notre histoire que des faits. Si j’ai bien ou mal fait, j’en laisse le jugement à ceux qui la liront avec attention. (Dom Thuillier.)


II.


Siége de Capoue par les Romains après la bataille de Cannes. — Annibal s’efforce en vain de le faire lever, et s’avance vers Rome. — Comparaison d’Épaminondas avec Annibal, et des Lacédémoniens avec les Romains.


Annibal, ayant enveloppé le retranchement d’Appius, fit d’abord faire des escarmouches, et harceler les Romains, pour les attirer au combat. Appius, ne donnant pas dans le piége, son camp eut à soutenir une espèce de siége, la cavalerie ennemie fondant par compagnies sur ses retranchemens, et y lançant à grands cris une grêle de traits, en même temps que l’infanterie s’élançait aussi par bataillons et cherchait à renverser les palissades. Mais rien de tout cela ne fut capable d’ébranler les Romains, ni de leur faire abandonner leur entreprise. Les troupes légères repoussèrent ceux qui approchaient du retranchement, et les soldats pesamment armés, garantis des traits par leurs armures, gardèrent tranquillement leurs rangs sous leurs enseignes.

Le général carthaginois, désolé de ne pouvoir ni entrer dans la ville, ni en faire lever le siége, tint conseil sur ce qu’il y avait à faire. Pour moi, je ne suis pas surpris que ce siége ait donné de l’embarras à Annibal, il en donne même à ceux qui en lisent l’histoire ; car, n’est-il pas étonnant que les Romains, qui avaient été tant de fois défaits par les Carthaginois, au point de n’oser plus les affronter en bataille rangée, ne cèdent point et ne quittent pas la plaine ? Comment se peut-il faire que ces troupes, qui autrefois suivaient le pied des montagnes, et se tenaient toujours sur les flancs de l’ennemi, s’exposent maintenant en plaine, et attaquent la place de l’Italie, la plus illustre et la plus forte, quoiqu’elles soient entourées de ces ennemis, qu’elles craignaient auparavant de regarder en face ? Enfin, comment a-t-il pu arriver, que les Carthaginois, après tant de victoires, aient été par la suite, accablés d’autant de maux que les vaincus ?

La raison de la conduite des uns et des autres, n’est pas, ce me semble, difficile à découvrir. Comme les Romains s’étaient aperçus qu’Annibal devait toutes ses victoires à sa cavalerie ; quand ils avaient été battus, ils faisaient harceler ce général par les légions, qu’ils ne conduisaient que par le pied des montagnes, parce que là, elles n’avaient rien à souffrir de la cavalerie des Carthaginois. Les uns et les autres devaient aussi se conduire au siége de Capoue comme ils ont fait. Les Romains n’avaient garde de sortir du camp pour combattre la cavalerie ennemie : s’ils restèrent dans leur camp, ce fut pour être à l’abri de cette cavalerie formidable à laquelle ils ne pouvaient résister dans les batailles. D’un