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POLYBE, LIV. IX.

étaient autrefois, et qu’il n’y a point de changement. Alors vous disputiez le premier rang et l’honneur de commander, avec les Achéens et les Macédoniens, peuples du même pays, et Philippe, roi de ces derniers ; et, dans la guerre que les Grecs ont maintenant à soutenir, il s’agit de se délivrer de la servitude dont ils sont menacés par des étrangers, que vous n’avez appelés, il est vrai, que contre Philippe, mais que vous n’avez pas prévu devoir venir et contre vous-mêmes et contre toute la Grèce. En temps de guerre, lorsque, en certaines occasions, pour mettre une ville à couvert d’insulte, on y jette une garnison plus forte que ses propres troupes, on fait à la fois deux choses : on se délivre de la crainte des ennemis, et on se soumet au pouvoir de ses amis. C’est ce qui est arrivé aux Étoliens : ils n’avaient en vue que de se mettre au-dessus de Philippe et d’humilier les Macédoniens ; mais, sans y penser, ils ont attiré d’occident une nuée de Barbares, qui peut-être à présent ne couvrira d’abord que la Macédoine, mais qui, dans la suite, s’étendra sur toute la Grèce, et lui causera de grands maux.

« C’est à tous les Grecs à prévoir la tempête qui les menace, mais c’est principalement à vous, Lacédémoniens ; car, quelles croyez-vous que furent les vues de vos pères, lorsqu’ils jetèrent dans un puits où ils le couvrirent de terre, l’ambassadeur que Xerxès leur avait envoyé pour leur demander l’eau et la terre, et qu’ils le renvoyèrent ensuite dire à son maître qu’il avait obtenu des Lacédémoniens ce qu’il avait eu ordre de leur demander ? pourquoi pensez-vous que Léonidas courait de lui-même à une mort certaine et inévitable ? N’est-ce pas pour faire voir que ce n’était pas seulement pour sa liberté qu’il s’exposait, mais pour celle de tous les autres Grecs ? Il serait beau que les descendans de ces grands hommes se joignissent à des Barbares pour faire, avec eux, la guerre aux Épirotes, aux Achéens, aux Acarnaniens, aux Béotiens, aux Thessaliens, en un mot, aux Étoliens près, à presque tous les Grecs. Je reconnais là les Étoliens. Ce qu’il y a de plus honteux leur paraît légitime, pourvu qu’ils assouvissent l’ardeur qu’ils ont de s’enrichir. Mais ce n’est pas là votre caractère, Lacédémoniens. Que ne feront-ils pas après leur jonction avec les Romains, eux qui, ayant obtenu des secours de la part des Illyriens, ont osé, contre toutes les lois de la justice, se saisir par force de Pylos du côté de la mer, assiéger par terre Clitorion, et faire passer les Cynéthéens sous le joug, et qui, après un traité fait d’abord avec Antigonus pour perdre les Achéens et les Acarnaniens, en font maintenant un avec les Romains contre toute la Grèce. Après cela, qui ne s’attendrait pas à une irruption de la part des Romains ? qui n’aurait en horreur l’imprudence des Étoliens qui ont l’audace de conclure de pareils traités ? Déjà ils ont enlevé Oéniade et Nésos aux Acarnaniens ; avant cela ils étaient entrés, par violence, dans Anticyre, et, conjointement avec les Romains, en avaient réduit les citoyens en servitude : les Romains emmenant avec eux les femmes et les enfans pour leur faire souffrir tous les maux auxquels on est exposé sous une domination étrangère, et les Étoliens partageant entre eux les ter-