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POLYBE, LIV. X.

l’on était convenu, qu’il était arrivé une armée à Orée, à Peparèthe ou à Chalcis ; mais des événemens qui arrivent sans qu’on s’y attende, et qui demandent qu’on tienne conseil sur-le-champ et qu’on y apporte du remède, comme une révolte, une trahison, un meurtre ou autre chose semblable, ces sortes d’événemens, dis-je, ne pouvaient s’annoncer par le moyen des fanaux ; car il n’est pas possible de convenir d’un signal pour des événemens qu’il n’est pas possible de prévoir.

Æneas, cet auteur dont nous avons un ouvrage de tactique, s’est efforcé de remédier à cet inconvénient ; mais il s’en faut de beaucoup qu’il l’ait fait avec tout le succès qu’on aurait souhaité : on en va juger. Ceux, dit-il, qui veulent s’informer mutuellement par des fanaux de ce qui se passe, n’ont qu’à prendre des vases de terre également larges, profonds et percés en quelques endroits ; ce sera assez qu’ils aient trois coudées de hauteur et une de largeur : qu’ils prennent ensuite des morceaux de liége un peu plus petits que l’ouverture des vaisseaux, qu’ils fichent au milieu de ce liége un bâton distingué de trois doigts par quelque enveloppe fort apparente, et qu’ils écrivent sur chacune de ces enveloppes les choses qui arrivent le plus ordinairement pendant une guerre. Sur l’une, par exemple, il est entré de la cavalerie ; sur l’autre, il est arrivé de l’infanterie pesamment armée ; sur une troisième, de l’infanterie légère ; sur la suivante, de l’infanterie et de la cavalerie ; sur une autre encore, des vaisseaux ; ensuite, des vivres ; et de même sur toutes les autres enveloppes, tous les autres événemens qu’ils pourront prévoir à juste titre devoir arriver, eu égard à la guerre qu’on aura à soutenir. Que de part et d’autre on attache à ces vaisseaux des petits tuyaux d’une exacte égalité, en sorte qu’il ne s’écoule ni plus ni moins d’eau des uns que des autres, qu’on remplisse les vases d’eau, qu’on pose dessus les morceaux de liége avec leurs bâtons, et qu’ensuite on ouvre les tuyaux. Cela fait, il est clair que, les vases étant égaux, le liége descendra et les bâtons s’enfonceront dans les vases à proportion que ceux-ci se videront : qu’après avoir fait cet essai avec une égale promptitude et de concert, on porte les vaisseaux aux endroits où l’on doit donner et observer les signaux et qu’on y mette le liége, et à mesure qu’il arrivera quelqu’une de ces choses qui auront été écrites sur les bâtons, qu’on lève un fanal et qu’on le tienne élevé jusqu’à ce que de l’autre côté on en lève un autre ; qu’alors on baisse le fanal et qu’on ouvre les tuyaux : quand l’enveloppe où la chose dont on veut avertir est écrite sera descendue au niveau des vases, qu’on lève le flambeau, et que de l’autre côté, sur-le-champ, on bouche les tuyaux et qu’on regarde ce qui est écrit sur la partie du bâton qui touche à l’ouverture du vaisseau ; alors, si tout a été exécuté de part et d’autre avec la même promptitude, de part et d’autre on lira la même chose.

Mais cette méthode, quoiqu’un peu différente de celle qui employait, avec les fanaux, des signes dont on était convenu, ne paraît pas encore suffisante ; car on ne peut pas prévoir toutes les choses qui peuvent arriver, et quand on pourrait les prévoir, il serait impossible de les marquer toutes sur un bâton. D’ailleurs, quand il arrivera une chose à laquelle on ne s’attendait pas, comment en avertir selon cette méthode ? Ajoutons que ce qui est écrit sur le bâton n’est point du tout précis et déterminé ; on n’y voit pas combien il est entré de cavalerie ou