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POLYBE, LIV. X.

d’infanterie, ni en quel endroit du pays sont ces troupes, ni combien de vaisseaux ou combien de vivres sont arrivés ; car, pour marquer ces sortes de particularités sur le bâton, il aurait fallu les prévoir avant qu’elles arrivassent, et cela n’est pas possible. Cependant ces particularités, c’est ce qu’il importe le plus de savoir ; car le moyen d’envoyer du secours, si l’on ne sait ni combien on aura d’ennemis à combattre, ni où ils sont ? comment avoir confiance en ses forces ou s’en défier, en un mot, comment prendre son parti, sans savoir combien de vaisseaux ou combien de vivres il est venu de la part des alliés ?

La dernière méthode a pour auteurs Cléoxène et Démoclite, mais nous l’avons perfectionnée : elle est certaine et soumise à des règles fixes, et par son moyen on peut avertir de tout ce qui se passe. Elle demande seulement beaucoup de vigilance et d’attention ; la voici : que l’on prenne toutes les lettres de l’alphabet et qu’on en fasse cinq classes en mettant cinq lettres dans chacune, il y en aura une qui n’aura que quatre lettres, mais cela est sans aucune conséquence pour le but que l’on se propose ; que ceux qui seront désignés pour donner et recevoir les signaux écrivent sur cinq tablettes ces cinq classes des lettres, et conviennent ensuite entre eux que celui-qui devra donner le signal lèvera d’abord deux fanaux à la fois, et qu’il les tiendra levés jusqu’à ce que de l’autre côté on en ait aussi levé deux, afin que de part et d’autre on soit averti que l’on est prêt ; que, les fanaux baissés, celui qui donnera le signal élèvera des fanaux par sa gauche, pour faire connaître quelle tablette il doit regarder ; en sorte que, si c’est la première, il n’en élève qu’un ; si c’est la seconde, il en élève deux, et ainsi du reste, et qu’il fera de même par sa droite pour marquer à celui qui reçoit le signal quelle lettre d’une tablette il faudra qu’il observe et qu’il écrive. Après ces conventions, chacun s’étant mis à son poste, il faudra que les deux hommes chargés de donner les signaux aient chacun une lunette garnie de deux tuyaux, afin que celui qui les donne voie par l’un la droite, et par l’autre la gauche de celui qui doit lui répondre. Près de cette lunette, ces tablettes dont nous venons de parler doivent être fichées droites en terre, et qu’à droite et à gauche on élève une palissade de dix pieds de largeur et environ de la hauteur d’un homme, afin que les fanaux élevés au-dessus donnent, par leur lumière, un signal indubitable, et qu’en les baissant elles se trouvent tout-à-fait cachées. Tout cet apprêt disposé avec soin de part et d’autre, supposé, par exemple, qu’on veuille annoncer que quelques auxiliaires, au nombre d’environ cent hommes, sont passés dans les rangs de l’ennemi ; on choisira d’abord les mots qui expriment cela avec le moins de lettres qu’il sera possible, comme cent Krétois ont déserté, ce qui exprime la même chose avec moitié moins de lettres. On écrira donc cela sur une petite tablette, et ensuite on l’annoncera de cette manière : la première lettre est un K, qui est dans la seconde série des lettres de l’alphabet et sur la seconde tablette : on élèvera donc à gauche deux fanaux, pour marquer à celui qui reçoit le signal que c’est la seconde tablette qu’il doit examiner, et à droite cinq, qui lui feront connaître que c’est un K, la cinquième lettre de la seconde série, qu’il doit écrire sur une petite tablette ; ensuite quatre à gauche, pour désigner la lettre R qui est dans la quatrième série ; puis deux