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POLYBE, LIV. XI.

FRAGMENS
DU

LIVRE ONZIÈME.


I.


Victoire des Romains sur Asdrubal, frère d’Annibal. — Ce grand homme meurt glorieusement dans le combat. — Sage réflexion de l’historien sur cet événement. — Butin que font les Romains après la bataille.


Mais l’arrivée d’Asdrubal en Italie, fut bien plus prompte et bien plus rapide.


Asdrubal, ne trouvant rien dans tout cela qui le satisfît, et voyant d’ailleurs qu’il n’y avait pas de temps à perdre, puisque les ennemis rangés en bataille s’avançaient déjà vers lui, fut obligé de mettre en bataille ses Espagnols et ce qu’il avait de Gaulois. Il mit à leur tête ses dix éléphans, rangea son armée suivant un ordre de bataille plus profond qu’étendu, la renferma tout entière dans un petit terrain, se mit lui-même au centre, derrière les éléphans, et attaqua la gauche des Romains, bien résolu de vaincre ou de mourir dans cette occasion. M. Livius s’avança fièrement, et se battit avec vigueur. Claudius, qui commandait le droite, ne pouvait ni approcher ni déborder les ennemis, à cause de la difficulté des chemins, difficulté qui avait porté Asdrubal à commencer le combat par l’attaque de la gauche. Dans la perplexité que lui causait cette inaction, il prend conseil de l’événement même, se met à la tête de ses troupes, tourne par derrière le champ de bataille, passe au-delà de la gauche de l’armée romaine, et charge en flanc ceux des Carthaginois qui combattaient de dessus les éléphans. Jusque-là le combat avait été fort douteux. On combattait de part et d’autre avec beaucoup de courage, parce qu’il ne restait plus de ressource au parti qui aurait été vaincu. Les éléphans faisaient autant de mal à un parti qu’à l’autre ; car, resserrés au milieu des deux armées et percés de traits, ils mettaient également le désordre dans les rangs des Romains et dans ceux des Espagnols. Mais quand Claudius fut tombé sur les ennemis par leurs derrières, il se fit un grand changement. Les Espagnols fuient alors chargés de front et en queue, et taillés en pièces pour la plupart. Six éléphans furent tués avec ceux qui les conduisaient, et les quatre autres, qui avaient rompu les rangs, furent pris ensuite seuls, et sans les Indiens, leurs conducteurs. Asdrubal lui-même, qui s’était déjà signalé dans plusieurs occasions, se signala encore dans celle-ci, et y perdit la vie glorieusement. Arrêtons-nous un moment à considérer ce grand homme, c’est une justice que nous lui devons.

Nous avons remarqué plus haut qu’il était frère d’Annibal, et que celui-ci, partant pour l’Italie, lui avait laissé le soin des affaires d’Espagne. Nous avons vu aussi combien de combats il eut à soutenir contre les Romains ; dans combien d’embarras l’ont jeté les chefs qu’on envoyait de temps en temps de