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POLYBE, LIV. XII.

raux du grand roi ont tentés d’abord contre Évagoras à Salamine, et ensuite contre les Lacédémoniens, on devra admirer le talent et l’habileté de l’historien ; on pourra tirer de son ouvrage des notions utiles pour des circonstances analogues. Mais quand il entre dans le récit du combat de Leuctres que se livrèrent les Thébains et les Lacédémoniens, ou de la bataille qui s’engagea près de la ville de Mantinée, et dans laquelle Épaminondas perdit la vie ; si l’on examine en détail la description qu’il fait des dispositions premières du combat ou des évolutions qui eurent lieu au fort de la mêlée, rien ne paraîtra plus ridicule et plus inhabile, même au lecteur qui n’a jamais rien vu de semblable. Du reste, ce qui accuse clairement l’historien, ce n’est point la bataille de Leuctres, qui n’eut rien de compliqué, et qui se résume dans une seule manœuvre, mais celle de Mantinée, qui en offre une si grande variété, et présente une immense puissance de conception. C’était une tâche au-dessus de ses forces et de son intelligence. Ce que je viens de dire sera évident pour tous ceux qui voudront se figurer la situation exacte des lieux, et s’y représenter les mouvemens décrits par Éphore. La même chose est arrivée à Théopompe, et surtout à Timée, qui fait le sujet de ces détails. On voit assez facilement pourquoi tous ont agi ainsi, et ce que chacun a voulu, soit établir, soit démontrer. Tous, du reste, ne différent pas d’Éphore. (Ibid.)


Un écrivain ne peut traiter convenablement des faits militaires, s’il n’a pas d’expérience des choses de la guerre ; ni parler des affaires politiques, s’il ne les a pas étudiées et pratiquées. Il résulte de là que les gens qui ont puisé toute leur science dans les livres, n’écrivant rien de savant et de véritable, leurs ouvrages sont sans fruit pour le lecteur. Car si l’on enlève de l’histoire ce qu’elle peut offrir d’utile, ce n’est plus qu’une composition indigeste et nuisible. Il en est de même pour ceux qui entreprennent d’écrire spécialement sur des villes ou des pays : s’ils ne sont pas habiles en géographie, ils tombent nécessairement dans le même genre d’erreur ; car ils passeront sous silence beaucoup de choses dignes d’être rapportées, et s’étendront sur d’autres dont ils n’auraient point dû parler. C’est ce qui arrivé souvent Timée qui n’a rien vu. (Ibid.)


Timée dit, dans son xxxive livre : « Pendant cinquante années continues, j’ai habité Athènes, qui n’était point ma patrie, et j’avoue que, j’y ai été dans l’ignorance complète des ouvrages de la guerre. » Si, de plus, il n’a jamais visité les lieux qu’il décrit, il en résulte que quand, dans son Histoire, il tombe sur quelque description, soit militaire, soit géographique, il avance une erreur ou un mensonge. Que si parfois il rencontre la vérité, il en est à peu près de ce hasard comme des peintres qui couvriraient leurs tableaux de couleurs confuses. Il pourrait bien, en effet, s’y trouver parfois des lignes assez correctes ; mais jamais cette vie qui caractérise la nature animée, et qui est en peinture le comble de l’art. (Ibid.)


C’est le cas dans lequel se trouve Timée, et, en général, tous ceux qui ont trop de confiance dans les connaissances qu’ils tiennent des livres. Ils