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POLYBE, LIV. XVI.

pouvait à peine se soutenir, accablés qu’ils étaient de lassitude et de blessures. Les choses étaient en cette situation, lorsque Glaucide et Théognète se départirent lâchement de la belle résolution qu’ils avaient prise avec les autres citoyens. Esclaves de leurs propres intérêts, ils convinrent ensemble que, pour recouvrer leurs femmes et leurs enfans, ils enverraient à Philippe, dès le point du jour, les prêtres et les prêtresses revêtues de leurs habits de cérémonie, pour les lui demander et lui livrer la ville.

Attalus alors, sur la nouvelle du siége d’Abydos, était venu par la mer Égée à Ténédos, et les ambassadeurs romains ayant appris à Rhodes la même chose, et voulant notifier à Philippe les intentions de leur république, lui avaient député M. Émilius, le plus jeune d’entre eux, qui arriva à Abydos dans le temps même de la trahison. Émilius dit à Philippe qu’il avait ordre, de la part du sénat, de l’exhorter à ne faire la guerre à aucun peuple de la Grèce, à n’envahir rien de ce qui appartenait à Ptolémée, et de soumettre à une décision juste et régulière les prétentions qu’il avait contre Attalus et les Rhodiens ; que s’il se rendait à ses remontrances, il vivrait en paix, et que s’il refusait de s’y soumettre, il aurait la guerre avec les Romains. Philippe voulut faire voir que les troubles avaient commencé par les Rhodiens. Mais Émilius l’interrompant : « Que vous ont fait les Athéniens ? lui dit-il ; qu’avez-vous à vous plaindre des Cianiens et des Abydéniens ? Qui de ces peuples vous a le premier attaqué ? » Le roi, embarrassé de ces questions, s’en tira en disant à l’ambassadeur qu’il lui pardonnait pour trois raisons la hauteur et l’orgueil avec lesquels il lui avait parlé : la première, parce qu’il était jeune et sans expérience ; la seconde, parce qu’il était le plus beau des jeunes gens de son âge ; et la troisième, parce qu’il portait un nom romain. « Au reste, ajouta-t-il, je souhaite que votre république garde fidèlement les traités qu’elle a faits avec moi, et que jamais elle ne prenne les armes contre les Macédoniens. Si elle agit autrement, nous prendrons les dieux à témoin de son infidélité, et nous nous défendrons en braves gens. » Après cette entrevue, ils se séparèrent. Ensuite Philippe entra dans la ville, et se saisit, sans aucun obstacle, de toutes les richesses que les Abydéniens avaient rassemblées dans un même lieu. Mais quelle fut sa surprise, lorsqu’il vit les uns étouffer, les autres poignarder, ceux-ci étrangler, ceux-là jeter dans des puits, d’autres encore précipiter du haut des toits leurs femmes et leurs enfans ! Ce triste spectacle le pénétra de douleur, et il fit publier qu’il accordait trois jours à ceux qui voulaient se pendre et se donner la mort. Mais les Abydéniens avaient disposé de leur sort : ils auraient cru dégénérer de ceux qui avaient généreusement combattu jusqu’à la mort pour leur patrie, et ne voulurent pas survivre à ces illustres citoyens. Tous, dans chaque famille, se tuèrent les uns les autres, et il n’échappa de cette meurtrière expédition, que ceux à qui les mains furent liées, ou que l’on empêcha de quelque autre manière de se défaire d’eux-mêmes. (Dom Thuillier.)


Ambassades des Achéens et des Romains aux Rhodiens.


Après la prise d’Abydos, il vint de la part des Achéens des ambassadeurs à Rhodes pour y exhorter le peuple à faire la paix avec Philippe. Il en arriva