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POLYBE, LIV. XVII.

quelle vue l’on peut avoir, ni sur quoi on peut se fonder pour prendre ce malheureux parti ; car de tous ceux qui ont trahi une armée ou une garnison, nul n’a jamais été caché. Si les traîtres ont été inconnus pendant le cours de la trahison, la suite des temps les a fait connaître. Mais quand ils demeureraient inconnus, ils n’en seraient pas pour cela plus heureux. Pour l’ordinaire, ceux mêmes qui ont profité de la perfidie les en punissent. Les généraux d’armée, les puissances se servent des traîtres, parce qu’ils leur sont utiles. En ont-ils tiré l’usage qu’ils voulaient, ils n’ont pour eux d’autres égards, comme dit Démosthène, que ceux que méritent des traîtres. Ils se persuadent avec raison que quiconque trahit sa patrie et ses amis, ne leur demeurera pas sincèrement attaché, et violera bientôt la foi qu’il leur a promise. Je veux encore qu’il échappe à ceux en faveur de qui il a commis le crime ; mais lui sera-t-il bien facile d’échapper à ceux contre qui le crime a été fait ? Posons encore qu’il évite les piéges des uns et des autres ; mais la réputation qu’il s’est faite dans l’esprit des autres hommes ne le quitte pas, et l’accompagne pendant toute sa vie. Elle lui inspire, et la nuit et le jour, mille sujets de crainte, ou frivoles ou justes. Elle suggère à ceux qui lui veulent du mal mille moyens de se venger. Elle lui met perpétuellement son forfait devant les yeux, même pendant le sommeil, et l’en occupe si entièrement, que ses songes mêmes ne lui représentent que les peines et les supplices dont il s’est rendu digne. Il ne voit au dedans de lui-même que la haine et l’aversion que tout le monde a pour lui. Cette situation est ce qu’il y a au monde de plus déplorable ; cependant quand on a eu besoin de traîtres, on n’en a presque jamais manqué. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.


III.


Attalus.


Depuis que ce prince avait racheté de ses propres deniers aux Sicyoniens un certain champ consacré à Apollon, ils avaient conçu pour lui une estime si particulière, qu’ils lui avaient fait dresser auprès d’Apollon, dans la place, un colosse haut de dix coudées. Un nouveau bienfait augmenta leur reconnaissance. Après avoir reçu de lui dix talens et dix mille médimnes de froment, il y eut un décret du conseil pour lui élever une statue d’or, et célébrer tous les ans une fête en son honneur. Le décret exécuté, Attalus partit pour Cenchrée. (Ibid.)


Nabis.


Comme ce tyran n’avait en personne plus de confiance qu’en Timocrate de Pellène, et qu’il s’en était déjà servi dans des affaires de très-grande importance, il le laissa à Argos, et reprit la route de Lacédémone. Quelques jours après il y envoya sa femme, avec ordre de lui ramasser de l’argent. Cette femme, arrivée à Argos, y exerça plus de violences et de cruautés que son mari. Elle fit venir d’abord quelques femmes les unes après les autres, ensuite quelques autres ensemble d’une même famille, et elle ne cessa de les insulter et de les tourmenter, jusqu’à ce qu’elles lui eussent livré non-seulement leur argent, mais encore leurs habits les plus précieux. (Ibid.)