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POLYBE, LIV. XXIII.

vantage des Lacédémoniens, et que l’on n’y pouvait rien changer sans violer tous les droits humains et le respect que l’on devait aux dieux. Le conseil, touché de leurs discours, ordonna qu’il ne serait rien changé à ce qui avait été réglé, et que l’on donnerait cette réponse à l’ambassadeur romain. Quand on la porta à Cécilius, il demanda que l’on convoquât les comices du pays. Les magistrats répondirent qu’il fallait pour cela qu’il produisît une lettre du sénat de Rome, par laquelle on priât les Achéens de s’assembler. Comme il n’en avait point, on lui dit nettement qu’on ne s’assemblerait pas ; ce qui le mit en si grande colère, qu’il partit d’Achaie sans vouloir entendre ce que les magistrats avaient à lui dire. On crut que ce député, et avant lui Marcus Fulvius, n’auraient pas parlé avec tant de liberté, s’ils n’eussent été sûrs qu’Aristène et Diophane étaient pour eux. Aussi furent-ils accusés d’avoir attiré ces Romains dans le pays par haine pour Philopœmen, et passèrent-ils pour suspects dans l’esprit de la multitude. Tel était l’état des affaires dans le Péloponnèse. (Ambassades.) Dom Thuillier.


V.


Différentes ambassades vers les Romains. — Ambassades des Romains auprès de Philippe et des Grecs.


Cécilius, de retour à Rome, fit au sénat le rapport de tout ce qui lui était arrivé dans la Grèce. On fit ensuite entrer les ambassadeurs de Macédoine et du Péloponnèse. Ceux de Philippe et d’Eumène furent introduits les premiers ; après eux les exilés d’Énum et de Maronée, qui répétèrent ce qui avait été dit ci-devant à Cécilius à Thessalonique. Le sénat, après les avoir entendus, jugea qu’il fallait envoyer de nouveaux ambassadeurs à Philippe, pour examiner sur les lieux s’il s’était retiré, selon qu’il l’avait promis à Cécilius, des villes de la Perrhébie, et pour lui ordonner d’évacuer Énum et Maronée, et de sortir, en un mot, de tous les châteaux, terres et villes qu’il occupait sur la côte maritime de la Thrace. On écouta ensuite Apollonidas, ambassadeur que les Achéens avaient envoyé pour les justifier de n’avoir point donné de réponse à Cécilius, et pour informer le sénat de tout ce qui avait été fait au sujet de Lacédémone qui, de son côté, avait député à Rome Arée et Alcibiade, tous deux de ces anciens exilés que Philopœmen et les Achéens avaient rétablis dans leur patrie. Ces deux ingrats, malgré un bienfait si précieux et si récent, se chargèrent de l’odieuse commission d’accuser ceux qui les avaient sauvés contre toute espérance, et qui leur avaient procuré le bonheur de revoir leurs foyers. Rien n’irrita plus les Achéens que cette ingratitude. Apollonidas prouva qu’il n’était pas possible de régler mieux les affaires de Lacédémone que Philopœmen et les Achéens ne les avaient réglées. De leur côté, Arée et Alcibiade tâchèrent de faire voir au contraire que les habitans ayant été chassés par force de Lacédémone, toutes les forces de la ville étaient épuisées ; que réduite à un très-petit nombre de citoyens, et ses murs abattus, on n’y pouvait plus vivre en sûreté ; qu’elle avait perdu son ancienne liberté ; qu’elle n’était pas seulement soumise aux décrets publics des Achéens, mais qu’elle était encore forcée d’obéir à leurs préteurs. Le sénat, ayant comparé et pesé les raisons de part et d’autre, nomma pour ambassadeur Appius Claudius, et lui donna des instructions sur ce démêlé comme pour les autres affaires de la Grèce. Apollonidas excusa encore les Achéens sur le crime qu’on