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POLYBE, LIV. XXIII.

leur faisait de n’avoir pas convoqué les comices pour Cécilius. Il dit qu’en cela ils n’étaient pas condamnables ; que c’était une loi chez eux de n’assembler le conseil que lorsqu’il était question d’alliance ou de guerre, à moins qu’on ne produisît des lettres de la part du sénat ; que les magistrats avaient donc eu raison de délibérer si l’on assemblerait le conseil de la nation, et qu’ils n’avaient point eu tort de n’en rien faire, puisque Cécilius n’apportait point de lettre du sénat romain, et qu’il refusait de donner des ordres par écrit. Cécilius ne laissa pas cette apologie sans réplique ; il s’éleva contre Philopœmen, contre Lycortas, contre les Achéens en général, et contre la rigueur dont ils avaient usé envers les Lacédémoniens. La réponse du sénat aux ambassadeurs achéens fut qu’il serait envoyé des députés sur les lieux pour examiner les choses de plus près, et il leur recommanda d’avoir pour ces députés tous les égards qu’il avait lui-même pour ceux qui venaient à Rome de la part des Achéens. (Ibid.)


Cruauté de Philippe à l’égard des Maronites. — Il envoie son fils Démétrius à Rome.


Quand Philippe eut appris de ses ambassadeurs, qui lui avaient été renvoyés de Rome, qu’il fallait absolument qu’il vidât les villes de la Thrace, irrité jusqu’à la fureur de voir de tous les côtés sa domination resserrée, il déchargea sa rage sur les habitans de Maronée. Par son ordre, Onomaste, qui avait le gouvernement de la Thrace, l’étant venu trouver, ils concertèrent ensemble la cruelle vengeance qu’il avait projetée. Cassandre avait vécu long-temps dans cette ville, et y était fort connu. C’était assez la maxime de Philippe d’envoyer ses courtisans dans les villes pour accoutumer les habitans à les y voir. Ce Cassandre fut l’homme dont se servit Onomaste pour exécuter la barbare ordonnance du prince. Il fit entrer de nuit un corps de Thraces dans la ville, qui firent main basse sur les citoyens, et en massacrèrent un grand nombre. Philippe, ainsi vengé de ceux qui n’étaient pas de sa faction, attendait tranquillement l’arrivée des commissaires, persuadé que personne n’aurait la hardiesse de se déclarer son accusateur. Quelque temps après arrive Appius qui, bientôt informé du traitement fait aux Maronites, en fait de vifs reproches au roi de Macédoine, qui soutint qu’il n’avait point de part à ce massacre, et qui le rejeta sur une émotion populaire. Les uns, dit-il, inclinant pour Eumène, les autres pour moi, la querelle s’échauffa, et ils s’égorgèrent les uns les autres. Il porta la confiance jusqu’à ordonner qu’on amenât devant lui quiconque voudrait l’accuser. Mais qui aurait osé le faire ? La punition aurait suivi de près, et le secours qu’on aurait pu attendre des Romains était trop éloigné. Il est inutile, lui dit Appius, que vous vous excusiez ; je sais ce qui s’est passé et qui en est l’auteur. Ce mot jeta Philippe dans de grandes inquiétudes. On ne poussa cependant pas la chose plus loin dans cette première entrevue. Mais le lendemain, Appius lui commanda d’envoyer sans délai Onomaste et Cassandre à Rome, pour être interrogés par le sénat sur le fait en question. À cet ordre, Philippe changea de couleur, chancela, hésita long-temps à répondre. Enfin il dit qu’il enverrait Cassandre, auteur du massacre, à ce que les commissaires croyaient ; mais il s’obstina à retenir auprès de lui Onomaste qui, disait-il, était si peu à Maronée dans le temps de cette sanglante tragédie, qu’il n’était pas même

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