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Ces dispositions étant arrêtées, Annibal s’avance brusquement sur les Romains, et essuye les traits de l’infanterie. Mais soit qu’elle ne fût pas suffisamment exercée, ou que l’ordonnance des Carthaginois lui parut trop ferme pour être rompue, la première décharge se terminait à peine, que, craignant d’être foulée aux pieds des chevaux, elle vint se placer derrière les escadrons ou dans les intervalles qui les séparaient les uns des autres. Malgré le peu d’effet de cette attaque, la cavalerie protégeant les troupes légères, et leur donnant le temps de se reformer, il n’y eût encore rien de perdu pour les Romains.

Les deux corps de cavalerie s’abordèrent avec toute la bravoure qu’on devait en attendre. Les Carthaginois, favorisés par le nombre, furent obligés de retourner plusieurs fois à la charge ; le combat devint furieux ; les cavaliers démontés combattirent à pied.

L’opiniâtreté paraissait égale de part et d’autre, lorsque les Numides ayant réussi à tourner les ailes, fondirent tout-à-coup sur les derrières, culbutèrent les vélites, et mirent une telle confusion dans la ligne de Scipion, que ses turmes se rompirent malgré la résistance des cavaliers romains (ans 536 de Rome ; 218 avant notre ère.).

Une partie regagna le camp ; le reste se serra autour du consul. Il avait été blessé dangereusement et arraché des mains de l’ennemi, par son fils qui faisait alors sa première campagne et devint si célèbre par la suite. Le consul opéra sa retraite sans être inquiété.

C’est que le général carthaginois, satisfait de ce premier succès qu’il avait payé cher, supposant d’ailleurs que l’infanterie légionnaire n’était pas éloignée, ne voulait rien donner au hasard, et préparait, dans son génie, des ressources que devaient bientôt lui fournir supériorité de sa cavalerie.

Toutefois, ayant appris que Scipion se retirait avec précipitation et repassait le Pô à Plaisance ; il le poursuivit jusqu’au pont qu’il trouva coupé, et fit prisonniers environ six cents hommes qui n’avaient pu traverser encore.

Mais déjà il recueillait les fruits de ce premier avantage. Les habitans de la rive gauche du Pô, débarrassés de la présence des Romains, lui envoyèrent des secours en vivres et en hommes. Les Gaulois auxiliaires qui avaient combattu au Tésin, vinrent aussi dans son camp. Il les accueillit avec déférence, leur conseilla de retourner chez leurs compatriotes, afin de les engager à embrasser la même cause, et cette démarche fut couronnée d’un tel succès, que les Gaulois arrivèrent de toutes parts pour grossir son armée.

Scipion éprouvait de grandes inquiétudes. La trahison des Gaulois lui présageait une défection plus considérable ; il fit lever son camp pendant la nuit, et repassa la Trebbia pour se poster sur la rive droite, au pied de hautes montagnes, dans un pays d’un abord difficile pour la cavalerie. Là, il attendit, avec plus de sécurité les renforts que son collègue lui amenait d’Ariminum (Rimini).

Annibal vint camper à cinq milles romains (environ une lieue et demie) du consul. Malgré les renforts qu’il recevait chaque jour, le manque d’une place d’armes l’exposait à souffrir la disette, et il avait jeté ses vues sur Clastidium (Casteggio), où les Romains avaient renfermé des magasins de vivres considérables, lorsque le gouverneur de la ville se laissa séduire par quatre cents pièces d’or, et lui épargna les embarras d’un siége.

On a remarqué, comme un trait dis-