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POLYBE, LIV. XXVIII.

Romains avaient sagement fait d’emmener à Rome les principaux Étoliens (c’est d’Eupolème et de Nicandre qu’il voulait parler) ; mais qu’il restait encore dans l’Étolie des gens qui entraient dans leurs desseins, qui agissaient de concert avec eux, et contre lesquels il fallait prendre les mêmes précautions, à moins qu’ils ne donnassent leurs enfans pour ôtages. Comme cette accusation tombait à plomb sur Archidame et Pantaléon, celui-ci, après avoir, en peu de mots, reproché à Lycisque sa basse et honteuse adulation, se tourna vers Thoas, qu’il soupçonnait avec d’autant plus de raison d’être auteur des calomnies dont on le chargeait, qu’au dehors il ne paraissait pas qu’ils fussent mal ensemble. Il lui rappela ce qui s’était passé dans le temps de la guerre d’Antiochus ; il le fit souvenir que si, livré aux Romains, il avait recouvré sa liberté, c’était lui, Pantaléon, et Nicandre qui lui avaient procuré ce bonheur, lorsqu’il s’y attendait le moins ; enfin il donna tant d’horreur au peuple pour l’ingratitude de ce personnage, que non-seulement il ne pouvait dire deux mots sans être interrompu, mais qu’on lui lançait une grêle de pierres. Popilius fit quelques plaintes de cette violence ; mais, sans parler davantage des ôtages, il se mit à la mer lui et son collègue pour entrer dans l’Acarnanie, et laissa l’Étolie pleine de troubles, de soupçons réciproques et de séditions.

Leur passage dans l’Acarnanie fit penser aux Grecs que la chose méritait toute leur attention. Il se fit une assemblée de ceux qui étaient d’accord sur le gouvernement, et qui étaient Arcésilas, Ariston de Mégalopolis, Stratius de Trittée, Xénon de Patare, Apollonidas de Sicyone. Dans ce conseil, Lycortas persista dans son premier sentiment, qu’il fallait garder entre Persée et les Romains une parfaite neutralité ; qu’il n’était point avantageux aux Grecs de donner du secours à l’une ou à l’autre puissance, parce que celle qui serait victorieuse deviendrait trop formidable ; et qu’il serait dangereux d’agir contre l’une ou l’autre, parce que, sur les affaires de l’état, on avait déjà osé s’opposer à plusieurs Romains de la première distinction. Apollonidas et Straton convinrent qu’il n’était pas à propos de se déclarer contre les Romains ; mais ils furent d’avis que s’il se rencontrait quelqu’un qui, sous prétexte de l’intérêt public, voulût, contre les lois, faire sa cour aux Romains en se déclarant pour eux, il fallait l’en empêcher et lui résister en face. L’avis d’Archon fut que l’on devait se conduire selon les conjonctures, ne pas donner lieu à la calomnie d’irriter l’une ou l’autre puissance contre la république, et éviter les malheurs où était tombé Nicandre, pour n’avoir point assez connu le pouvoir des Romains. Ce fut aussi le sentiment de Polyène, d’Arcésilas, d’Ariston et de Xénon. C’est pourquoi l’on convint de donner la préture à Archon, et de faire Polybe capitaine général de la cavalerie.

Sur ces entrefaites, Attalus, ayant quelque chose à obtenir de la ligue achéenne, fit sonder le nouveau préteur, qui, résolu à favoriser les Romains et leurs alliés, promit à ce prince d’appuyer ses demandes de tout son pouvoir. Au premier conseil qui se tint, on introduisit dans l’assemblée les ambassadeurs d’Attalus, qui demandèrent que, en considération du prince qui les avait envoyés, l’on rendît à Eumène son frère les honneurs que la république lui avait autrefois décernés. La multitude, incertaine, ne savait à quoi se déterminer. Plusieurs s’opposèrent à cette restitution, et pour plu-