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végèce, liv. i.

puise par les blessures. Les peuples trop septentrionaux, au contraire, ne ressentant que faiblement la chaleur du soleil, ont moins de jugement, mais plus de valeur ; parce qu’abondans en sang, ils craignent moins de le répandre.

Il faut donc tirer les soldats de ces climats tempérés, où l’abondance du sang, suppléant à celui qu’on peut perdre par les blessures, rassure le soldat contre la crainte de la mort, et où on trouve aussi cette intelligence qui maintient le bon ordre dans les camps, et qui n’est pas moins utile dans les combats par de sages conseils.


CHAPITRE III.

S’il faut lever les soldats dans la ville où dans la campagne.

De qui doit-on attendre un meilleur service, ou du soldat levé dans la campagne, ou de celui que l’on prend dans les villes ? Je ne crois pas qu’on ait jamais pu douter que les gens de la campagne ne soient plus propres à porter les armes. Ils sont déjà faits aux injures de l’air, et nourris dans la peine, ils savent supporter les ardeurs du soleil, ne connaissent ni l’usage des bains, ni les délices de la ville. Dans la simplicité des mœurs qu’ils ont conservée, tout est presque superflu pour eux ; endurcis aux travaux les plus pénibles, ils sont dans l’habitude de manier le fer, de creuser des fossés et de porter des fardeaux.

Cependant la nécessité oblige quelquefois de prendre des soldats dans les villes ; alors, dès qu’ils sont enrôlés, il faut les accoutumer à travailler aux camps, à marcher en troupe, à se contenter d’une nourriture frugale et grossière, à porter des fardeaux, à ne point craindre le soleil ni la poussière, à passer les nuits, tantôt sous les tentes, tantôt à découvert. Après cette première préparation, on leur montrera le maniement des armes ; et si l’on prévoit qu’on puisse en avoir besoin pour une longue expédition, il faudra les tenir le plus long-temps qu’on pourra dans les camps où, éloignés des débauches de la ville, ils puissent se former le corps par cette vie militaire, et prendre l’esprit de leur état.

Je sais bien que dans les premiers temps de la république, c’est toujours dans Rome que se levèrent les armées ; mais on ne pouvait pas s’amollir dans une ville où l’on ne connaissait ni luxe, ni plaisirs. La jeunesse, après la fatigue de la course et d’autres exercices, allait nager dans le Tibre et y laver sa sueur : on n’avait point imaginé d’autres bains. Le guerrier et le laboureur étaient alors le même, qui ne faisait que changer, dans l’occasion, ses outils contre des armes. C’est un fait connu qu’on alla chercher Quintius Cincinnatus à la charrue, pour lui offrir la dictature. Les armées doivent donc être principalement recrutées des gens de la campagne, et l’on doit plus compter sur leur courage ; en effet, ceux qui ont moins goûté les douceurs de la vie ont moins sujet de craindre la mort.


CHAPITRE IV.

De l’âge des nouveaux soldats.

Si l’on veut suivre l’ancienne coutume, il est certain qu’on peut comprendre dans les levées ceux qui entrent en âge de puberté : ce qu’on apprend alors s’imprime plus promptement et plus profondément dans l’esprit ; d’ailleurs, pour donner au corps