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végèce, liv. i.

sives de notre cavalerie, nous avons toujours laissé notre infanterie découverte ; cependant, depuis la fondation de Rome jusqu’à l’empire de Gratien, elfe avait toujours porté le casque et la cuirasse ; mais lorsque la paresse et la négligence eurent rendu les exercices moins fréquens, ces armes, que nos soldats ne portaient plus que rarement, leur parurent trop pesantes ; ils demandèrent d’abord à être déchargés de la cuirasse, ensuite du casque ; en s’exposant ainsi à découvert aux flèches des Goths, ils en furent souvent défaits. L’expérience ne nous corrigea pas ; et malgré la perte d’une infinité de villes considérables, qui suivit nos défaites, aucun de nos généraux n’imagina de rendre à l’infanterie ses armes défensives. Il arrive de là qu’un soldat exposé, pour ainsi dire à nu, aux armes de l’ennemi pense bien plus à fuir qu’à combattre. Que veut-on que fasse un archer à pied, sans casque, sans cuirasse et même sans bouclier ? car il ne le peut tenir en même temps que son arc. Quelle défense auront nos enseignes, obligés de tenir la pique de la main gauche, s’ils n’ont ni la tête, ni la poitrine couverte ? Mais dit-on, la cuirasse et souvent même le casque accablent le fantassin ; oui, parce qu’il les porte rarement ; au lieu que le fréquent usage de ces armes les lui rendrait plus légères, quelque pesantes qu’elles lui eussent semblé d’abord ; mais comment ce même homme qui craint en les portant de s’exposer à la fatigue ne craint-il pas de s’exposer aux blessures, à la mort, et ce qui est encore plus cruel pour un bon citoyen, à la honte, ou d’être fait prisonnier, ou de trahir sa patrie par la fuite ? Ainsi donc en évitant de se fatiguer, il se fait tuer sans se défendre : genre de mort plus digne d’une brute que d’un homme. Pourquoi donnait-on autrefois le nom de mur à notre infanterie, sinon parce que le bouclier, le javelot dont elle était armée, le casque et la cuirasse, dont elle était couverte, lui donnaient, en quelque façon, la force en même temps que la figure d’un mur.

On poussait même alors si loin la précaution des armes défensives, que l’archer portait un brassard au bras gauche ; et le fantassin destiné à combattre de pied ferme, une grande bottine de fer sur la jambe droite.

C’est ainsi qu’étaient couverts les soldats de la première, seconde et troisième ligne, qu’on appelait princes, hastaires et triaires. Ceux-ci, mettant un genou en terre au premier moment de l’action, se couvraient de leurs boucliers, afin d’éviter les traits qui avaient passé les deux premières lignes ; et si le cas l’exigeait, ils se levaient et chargeaient avec d’autant plus de force, qu’ils n’étaient ni fatigués, ni entamés : aussi les a-t-on vus souvent ramener la victoire, malgré la défaite des deux premières lignes.

Nos anciens avaient encore une infanterie légère qu’ils plaçaient principalement aux ailes. Elle était armée de frondes et de javelots, et composée de soldats très-agiles et très-disciplinés. C’était par eux que s’ouvrait le combat mais en petites troupes, afin qu’elles pussent, en cas de nécessité, se replier sur la première ligne qui les reçoit dans ses intervalles sans se rompre. C’est pourquoi on appelait ces fantassins interpedites.

Jusqu’à notre temps, nos soldats avaient toujours porté une espèce de bonnet de peau à la pannonienne, afin que l’habitude d’avoir la tête chargée en tout temps leur rendit plus léger le casque qu’ils portaient dans le combat.