Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 3, 1840.djvu/332

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quoi il faut mener très-souvent les nouveaux soldats au Champ-de-Mars, les faire dénier l’un après l’autre, suivant l’ordre du rôle, et ne les mettre d’abord que sur un rang, observant qu’ils soient parfaitement alignés, et qu’il y ait entre chaque homme une distance égale et raisonnable. Ensuite on leur commandera de doubler le rang promptement, et de façon que, dans le même instant, le second rang qu’ils forment réponde juste au premier ; par un autre commandement, ils doubleront encore et se mettront brusquement sur quatre de hauteur. De ce carré long, ils formeront ensuite le triangle, qu’on appelle le coin, disposition dont on se sert très-utilement dans les batailles ; on leur commandera aussi de former des pelotons ronds ; autre évolution par le moyen de laquelle les soldats bien exercés peuvent se défendre et empêcher la déroute totale d’une armée. Ces évolutions, bien répétées dans les camps, s’exécutent aisément sur le champ de bataille.


CHAPITRE XXIII.

Que les soldats doivent être instruits à faire la promenade. Combien ils doivent faire de chemin en allant et en revenant, et combien de fois on doit les exercer par mois.

Pour faire prendre aux soldats une idée des manœuvres de guerre, les anciens avaient établi un usage qui s’observa constamment, et qui fut confirmé par les ordonnances d’Auguste et d’Adrien : c’était de mener, trois fois le mois, les troupes, tant infanterie que cavalerie, à la promenade : c’est le terme propre. On obligeait les fantassins d’aller à dix milles de leur camp, marchant en rang, et de revenir de même, mais en changeant quelquefois de pas, de sorte qu’une partie du chemin se fit comme en courant. La même loi était pour les cavaliers armés et divisés par turmes ; ils faisaient autant de chemin en exécutant divers mouvemens de cavalerie tantôt : ils faisaient semblant de poursuivre l’ennemi, et tantôt ils pliaient pour retourner à la charge avec plus d’intrépidité.

Ces essais militaires se faisaient non-seulement en rase campagne, mais encore sur dès terrains embarrassés, montueux, difficiles. On les parcourait tels qu’ils étaient sans se détourner, de sorte qu’il ne pouvait se rencontrer. dans un champ de bataille aucune espèce d’obstacle que le cavalier n’eût appris à franchir et à surmonter aisément.


CHAPITRE XXIV.
Il faut exciter les Romains à s’instruire de l’art de la guerre.

En vous offrant le précis de plusieurs auteurs sur la discipline militaire, j’ai cherché, grand prince, à vous prouver mon dévouement et mon zèle. Pour peu que vos généraux observassent les anciennes maximes sur le choix et sur l’exercice des soldats ils rendraient bientôt aux armées romaines leur ancienne vigueur. Cette ardeur martiale, qui anima les hommes de tous les temps, n’est point refroidie ; ces mêmes terres, qui ont produit tant de peuples illustres, tels que les Lacédémoniens, les Athéniens, les Marses, les Samnites, les Péligniens, en un mot, les Romains, ne sont point épuisées. Les Épirotes n’ont-ils pas eu un intervalle de mérite et de réputation ? Les Macédoniens, les Thessaliens n’ont-ils pas conquis la Perse et pénétré jusqu’à l’Inde ? Les Daces, les Mésiens, les Thraces ont été de tout temps si