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guerre des Gaules. — liv. iii.

inutiles, parce que toute leur force consistait dans leurs agrès. Alors le succès du combat dépendait de la valeur ; et en cela, les Romains étaient aisément supérieurs, surtout combattant sous les yeux de leur général et de toute l’armée qui couvrait les collines et les hauteurs d’alentour, de sorte qu’une belle action, quelle qu’elle fût, ne pouvait leur échapper.

15. Après avoir ôté aux vaisseaux ennemis le secours de leurs voiles, deux ou trois des nôtres les environnaient, nos soldats se jetaient dedans et s’en rendaient maîtres. Les Gaulois, voyant ainsi une partie de leurs vaisseaux perdus sans y trouver remède, cherchèrent leur salut dans la fuite ; et déjà ils avaient pris le dessus du vent, lorsqu’il survint tout d’un coup un si grand calme, qu’il leur fut impossible de se remuer. Ce calme arriva fort à propos pour achever entièrement l’action ; car les nôtres, les attaquant l’un après l’autre, s’en emparèrent, et il n’y en eut que peu qui se sauvèrent à terre à la faveur de la nuit, après un combat qui avait duré depuis dix heures du matin jusqu’au coucher du soleil.

16. Cette bataille mit fin à la guerre des peuples de Vannes et de cette côte, parce que la jeunesse entière, et même toutes les personnes d’âge de quelque distinction et de quelque poids, y avaient marché ; et que tous les vaisseaux de la province avaient été rassemblés pour cet objet : ainsi, par cette perte, les autres n’avaient ni aucune retraite ni aucun moyen de défendre leurs villes. Dans cette extrémité, ils se rendirent à discrétion ; et César crut en devoir faire un exemple d’autant plus sévère qu’il voulait par-là apprendre aux autres à respecter désormais le droit sacré des ambassadeurs : il fit donc mourir tout le sénat, et vendit le reste à l’encan.

17. Pendant qu’il traitait si sévèrement les peuples de Vannes, Q. Titurius Sabinus arriva sur les frontières du territoire de Coutance avec les troupes que César lui avait confiées. Viridovix s’était mis à la tête de ces nations et de tous ceux qui s’étaient révoltés ; de cette réunion il avait formé une puissante armée. Quelques jours même auparavant, ceux du Mans, d’Évreux et de Lisieux, après avoir égorgé leur sénat, parce qu’il s’opposait à la guerre, avaient fermé leurs portes et s’étaient joints à Viridovix, qui avait encore grossi son armée d’un ramas de brigands et d’hommes perdus rassemblés de toute la Gaule, que l’espérance du butin et l’amour de la guerre avaient arrachés aux soins de l’agriculture et à leurs travaux journaliers. Sabinus s’était retranché dans un lieu commode et avantageux. Viridovix vint camper à deux milles de lui, et tous les jours il lui présentait la bataille ; en sorte que non-seulement les rebelles méprisaient Sabinus, mais même que nos propres troupes commençaient à blâmer sa conduite : en un mot, l’ennemi le crut si effrayé qu’il osa s’approcher jusqu’à ses retranchemens. Mais Sabinus en agissait ainsi parce qu’il croyait qu’en l’absence du général, un lieutenant, qui avait en tête un ennemi si nombreux, ne devait combattre que dans un lieu favorable et dans une circonstance propice.

18. Quand il crut les Barbares bien persuadés de sa frayeur, il choisit parmi les Gaulois, qui étaient dans ses troupes, un homme fidèle et adroit, qu’il engagea par présens et par promesses à s’aller rendre à eux ; en même temps il l’instruisit de ce qu’il avait à faire. Celui-ci étant arrivé au camp des Gau-