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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

vraison des portes d’Auteuil et Dauphine pour la nuit du 12 au 13. M. Thiers s’y laissa prendre encore et expédia tout un matériel d’escalade. Plusieurs détachements furent dirigés vers le Point-du-Jour et l’armée se tint prête à suivre. Au dernier moment, les profondes combinaisons des conspirateurs échouèrent et, comme le 3, l’armée revint à court de lauriers. Cette tentative fut connue du Comité de salut public qui avait ignoré la première.

Lasnier fut arrêté le lendemain. Le Comité venait de mettre la main sur les brassards tricolores que les gardes nationaux de l’ordre devaient arborer à l’entrée de l’armée. La femme Legros qui les fabriquait négligeait de payer ses ouvrières. L’une d’elles, croyant qu’elle travaillait pour le compte de la Commune, vint réclamer son salaire à l’Hôtel-de-Ville. Les perquisitions opérées chez la Legros, mirent sur la trace de Beaufond et de ses complices. Beaufond et Laroque se cachèrent, Troncin-Dumersan regagna Versailles, Charpentier resta maître du terrain. Corbin le pressait d’organiser ses hommes par dizeniers, centeniers, lui traçait un plan pour s’emparer de l’Hôtel-de-Ville, dès l’entrée des troupes. Charpentier, imperturbable, l’entretenait tous les jours de conquêtes nouvelles, parlait de 20 000 recrues, demandait de la dynamite pour faire sauter les maisons et absorbait pantagruéliquement les sommes considérables que transmettait Durouchoux.

En dehors de ces grosses agences officielles, il y eut nébuleuse de traîtrillions. Devant les conseils de guerre une foule d’individus, officiers supérieurs, chefs de services particuliers, se vantèrent de n’avoir servi la Commune que pour mieux la trahir ; ce n’était pour eux qu’un moyen de défense.

En somme, tous les conspirateurs réunis ne purent livrer une porte ; mais ils aidèrent à désorganiser les services. L’un d’eux, le commandant Jerriait, sembla même revendiquer l’explosion de l’avenue Rapp. Il faut cependant lire avec réserve leurs rapports souvent enflés de succès imaginaires pour justifier l’emploi des centaines de mille francs et des croix d’honneur qu’ils ont empochés.