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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

Le 30, à six heures du matin, le rappel bat à la Guillotière. Des gardes nationaux enlèvent l’urne et placent des factionnaires à l’entrée de la salle. Sur les murs cette proclamation : « La cité lyonnaise ne peut pas plus longtemps laisser égorger sa sœur, l’héroïque cité de Paris… Les révolutionnaires lyonnais, tous d’accord, ont nommé une commission provisoire… Ses membres sont surtout résolus, plutôt que de se voir ravir la victoire, à ne faire qu’un monceau de ruines d’une ville assez lâche pour laisser assassiner Paris et la République. » La place de la mairie se remplit d’une foule émue. Le maire Crestin et son adjoint, qui veulent intervenir, ne sont pas écoutés ; une commission révolutionnaire s’installe dans la mairie.

Bourras envoie l’ordre aux commandants de la Guillotière de réunir leurs bataillons. Ils se rangent, vers deux heures, sur le cours des Brosses. Un grand nombre de gardes désaprouvent le mouvement ; aucun ne veut être le soldat de Versailles. La foule les entoure et ils finissent par rompre les rangs. Une centaine, conduits par leur capitaine, viennent à la mairie arborer leur guidon rouge. On va chercher le maire que la commission veut adjoindre au mouvement. Il refuse comme il avait refusé le 22 mars. Tout à coup le canon tonne.

Hénon et le conseil municipal auraient voulu qu’on temporisât comme le mois dernier. Le préfet Valentin et Crouzat rêvaient d’Espivent. À cinq heures, le 38e de ligne débouche par le pont de la Guillotière. La foule pénètre les rangs des soldats, les conjure de ne pas tirer. Les officiers sont contraints de ramener leurs hommes dans les casernes. Pendant ce temps, la Guillotière se fortifie. Une grande barricade, allant des magasins du Nouveau-Monde à l’angle de la mairie, barre la Grande-Rue ; une autre s’élève à l’entrée de la rue des Trois-Rois ; une troisième, au niveau de la rue de Chabrol.

À six heures et demie, le 38e sort de sa caserne, cette fois bien encadré dans un bataillon de chasseurs. En tête Valentin, Crouzat et le procureur de la République Andrieux emprisonné sous l’Empire pour ses discours échevelés, libéré par le peuple au 4 Sep-