Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/33

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liberté. Une foule de jeunes s’offrirent, défiant la prison, les amendes, les rencontres, prenant l’Empire, ses ministres, ses fonctionnaires au collet, détaillant les crimes de Décembre, disant : Il faut compter avec nous ; la génération qui a fait l’Empire est morte. Des brochures, des publications populaires, des petites bibliothèques, des livraisons illustrées d’Histoires de la Révolution, suffirent à peine à la fringale de savoir qui s’éveillait. La jeune génération ouvrière n’ayant pas eu la forte nourriture de celle qui fit 48, mettait les bouchées doubles.

Les réunions publiques augmentent encore cette flambée d’idées. On s’y entasse. Paris, depuis près de vingt ans, n’a pas vu parole libre vivre sur les lèvres. Malgré M. le commissaire prêt à dissoudre au moindre mot malsonnant, beaucoup d’exaltés viennent lâcher leur fumée devant un public qu’on ne soupçonnait pas, surtout dans les quartiers populaires où dominent les provinciaux attirés depuis quinze ans par les gros travaux de Paris. Plus neufs que le Parisien pur sang, ils mêlent leur robustesse à sa promptitude nerveuse, veulent des discussions nourries.

La police put entrevoir alors que l’Internationale n’était pas le propulseur, comme elle le croyait bêtement depuis la manifestation de Mentana. Elle avait ordonné des poursuites dont la rue des Gravilliers profita pour déployer son drapeau jusque-là inconnu des foules. Le procureur impérial fut charmant pour ces travailleurs honorables, oh certes ! qui — malheureusement ! — formaient une association non autorisée.

L’instigateur, Tolain, fit la défense collective : « Depuis 1862, notre mot d’ordre est que les travailleurs ne doivent chercher leur affranchissement que par eux-mêmes… Nous n’avions qu’un seul moyen de sortir de la fausse situation que nous fait la loi, c’est de la violer pour avertir qu’elle est mauvaise ; mais nous ne l’avons pas violée, car la police, le gouvernement, la magistrature a tout pu ou tout su tolérer. » Le président, aussi exquis que le procureur, infligea aux prévenus cent francs d’amende et déclara dissoute l’Association internationale établie à Paris. Un nouveau bureau est aussitôt constitué : Malon, Landrin, Combault, Varlin,