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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

cierge qui parvint, quelques heures, à le faire passer pour son fils[1]. La mère d’un soldat versaillais donna l’asile à plusieurs membres de la Commune. Un grand nombre d’insurgés en renom furent sauvés par des inconnus. Il y allait cependant de la mort pendant les premières heures, ensuite de la déportation pour ceux qui abritaient les vaincus.

La moyenne des arrestations se maintint, en juin et juillet, à cent par jour. À Belleville, Ménilmontant, dans le XIIIe, certaines rues n’avaient plus que les vieilles femmes. Les Versaillais, dans leurs états menteurs, ont avoué trente-huit mille cinq cent soixante-huit prisonniers, parmi lesquels mille cinquante-huit femmes et six cent cinquante et un enfants, dont quarante-sept de 13 ans, vingt et un de 12, quatre de 10 et un de 7[2], comme s’ils avaient, par un moyen quelconque, compté les foules qu’ils nourrissaient à la pelle. Le nombre des personnes arrêtées atteignit très probablement cinquante mille.

Les méprises furent innombrables. Des femmes du beau monde qui allaient, les narines dilatées, contempler les cadavres de fédérés furent englobées dans des razzias et emmenées à Satory où, les vêtements en lambeaux, rongées de vermine, elles figurèrent très convenablement les pétroleuses imaginées par leurs journaux [3].

Des milliers de personnes durent se cacher en France ou à l’étranger pour fuir les poursuites ou les dénonciations. On calcule les pertes d’ensemble par ce fait qu’aux élections complémentaires de Juillet il y eut cent mille électeurs de moins qu’à celles de Février. Le Journal des Débats estimait que « les pertes faites par le parti de l’insurrection, tant en tués qu’en prisonniers, atteignaient le chiffre de cent mille individus. »

  1. La calomnie versaillaise le poursuivant dans son agonie — il mourut à Versailles — raconta qu’il s’était confessé à un Jésuite et avait désavoué ses écrits « devant les gendarmes et les sœurs ». La vérité est que sa mère, très dévote, introduisit le prêtre, pendant un accès de fièvre purulente.
  2. Rapport du capitaine Guichard. Enquête sur le 18 Mars, t. 3, p. 313.
  3. Appendice XLIV.