Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/71

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d’égoïsme, irrités contre la nouvelle génération socialiste qui ne se payait plus de leurs systèmes. Les radicaux, soucieux de leur avenir, n’allaient pas se compromettre au Comité des vingt arrondissements. Il ne put être jamais qu’un foyer d’impressions, non un centre directeur, la section des Gravilliers de 1870-71, et comme celle de 1793, traitant tout par manifestations.

C’est là au moins la vie, une lampe fumeuse mais toujours vigilante. Que donnent les petits bourgeois ? Où sont leurs Jacobins, leurs Cordeliers ? Je vois bien à la Corderie les enfants perdus de la petite bourgeoisie qui tiennent la plume ou prennent la parole, où le gros de l’armée ?

Tout se tait. Sauf les faubourgs, Paris est une chambre de malade où personne n’ose dire un mot. Cette abdication morale est le vrai phénomène psychologique du siège, d’autant plus extraordinaire qu’elle coexiste avec une admirable ardeur de résistance. Des hommes qui disent : « Nous aimons mieux brûler nos maisons que de les rendre à l’ennemi », s’indignent qu’on ose disputer le pouvoir aux trembleurs de l’Hôtel-de-Ville. S’ils redoutent les étourdis, les fiévreux, les collaborations compromettantes, que ne prennent-ils eux-mêmes la direction du mouvement ? Et ils se bornent à crier : « Pas d’émeutes devant l’ennemi ! Pas d’exaltés ! » comme si la capitulation vaut mieux que l’émeute, comme si le 10 Août, le 31 Mai ne furent pas des émeutes devant l’ennemi, comme s’il n’y a pas de terme entre l’abdication et le délire.

Le 5 et le 7, ils refirent leur vote plébiscitaire, nommant pour maires douze sur vingt des créatures d’Étienne Arago. Quatre parmi les nouveaux, Dubail, Vautrain Desmarest, Vacherot, démocrate irréconciliable sous l’Empire, étaient d’intraitables bourgeois. La plupart des adjoints du type libéral ; à peine quelques internationalistes très radoucis : Tolain, Murat, Héligon, et quelques militants : Malon, Jaclard, Dereure, Oudet, Léo Meillet.

Les faubourgs, fidèles, élurent Delescluze au XIXe et, dans le XXe, Ranvier, Millière, Flourens, qui ne purent siéger ; les gens de l’Hôtel-de-Ville, violant la convention Dorian-Tamisier, avaient lancé des mandats d’arrêt