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contre les manifestants du 31 octobre[1]. Naturellement il les accusa d’avoir été à la solde de la police impériale, dit qu’on venait de découvrir leurs dossiers à la Préfecture. À la Mairie centrale, Jules Ferry remplaça Étienne Arago, trop chiffonné le 31 octobre ; et l’on mit au commandement de la garde nationale Clément Thomas, le chargeur des prolétaires en juin 48, Tamisier indigné de la violation du traité ayant donné sa démission.

Rien n’était perdu au commencement de novembre. L’armée, les mobiles, les marins donnaient, d’après le plébiscite, 246 000 hommes et 7 500 officiers. On pouvait aisément trier dans Paris 125 000 gardes nationaux capables de faire campagne, et en laisser autant à la défense intérieure. Les transformations d’armes, les canons devaient s’enlever en quelques semaines ; les canons surtout, chacun donnant de son pain pour doter le bataillon de belles pièces, l’orgueil traditionnel des Parisiens. Où trouver mille artilleurs ? disait Trochu ; or il y a dans tout mécanicien de Paris l’étoffe d’un canonnier, la Commune le fit bien voir. Partout même surabondance. Paris fourmillait d’ingénieurs, de contremaîtres, de chefs d’ateliers, d’équipe, dont on pouvait faire les cadres de tout. Il y avait là, gisant à terre, tous les matériaux d’une victoire.

Les podagres de l’armée régulière n’y voyaient que barbarie. Ce Paris pour qui Hoche, Marceau, Kléber n’eussent été ni trop jeunes, ni trop croyants, ni trop purs, avait comme généraux les plus mauvais résidus de l’Empire et de l’Orléanisme, Vinoy de Décembre, Ducrot, Suzanne, Leflô. Tel prétentieux fossile comme Chabaud-Latour commandait en chef le génie. Dans l’aimable intimité ils s’amusaient beaucoup de cette défense [2], trouvaient la plaisanterie bien longue. Le

  1. Jaclard, Vermorel, G. Lefrançais, Félix Pyat, Eudes, Levrault, Tridon, Ranvier, Razoua, Tibaldi, Goupil, Vésinier, Regère, Maurice Joly, Blanqui, Millière, Flourens. Ces trois derniers purent échapper. Félix Pyat s’en tira par une pantalonnade, écrivant à Emmanuel Arago : « Quel dommage que je sois ton prisonnier ! tu aurais été mon avocat ! »
  2. Appendice I