Page:Lissagaray - La Vision de Versailles.djvu/8

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que le peuple apprenne par ton exemple ce qu’il lui en coûte de laisser glisser ses ennemis entre ses doigts.

Il a renié la gauche qui applaudit. Il a injurié la gauche qui applaudit encore. C’est la tactique radicale de donner pour père à la République le massacreur que boudent les ruraux.

Les Pourceaugnacs furieux grognent aux radicaux qui ripostent. Les héros de Metz apostrophent les héros de la Défense ; la loque de Rosbach défie le haillon capitulard. Les imprécations, les menaces s’entremêlent. Vingt députés s’élancent à l’assaut de la tribune et jettent dans la tempête des lambeaux de discours. Grévy, plié en deux, rame de ses deux bras contre l’invasion des orateurs qui grimpent comme des fourmis le long des degrés. Il secoue désespérément sa sonnette sans voix telle que la cloche d’un navire au milieu de l’ouragan. De cette masse bouillonnante, il s’élève une vapeur de passions furibondes. Dans la loge diplomatique, le représentant de la Prusse sourit.

L’ombre vient de tomber et donne à cette scène des teintes fantastiques. Tout à coup, dans ce pandemonium obscur, une voix retentit.

Voix stridente, sèche, comme il n’en sort point des cordes humaines, si perçante qu’elle domine le vacarme furieux, si impérieuse que tous les députés, d’un même mouvement automatique, comme une manœuvre militaire, se retournent vers une loge du fond.