Page:List - Système national d'économie politique, trad Richelot, 2è édition, 1857.djvu/69

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œuvre politique, et en général une œuvre en commun, n’est possible qu’au moyen de transactions entre les opinions diverses de ceux qui poursuivent le même but immédiat. Le but prochain était alors l’abolition des douanes provinciales, et l’établissement d’une douane nationale. Les barrières intérieures une fois tombées, aucune divinité ne pourrait les relever. Lorsque la douane nationale aurait été établie, on aurait toujours le temps de lui donner une meilleure base, et cela d’autant mieux que le principe de rétorsion accordait pour le moment au delà des exigences du principe de protection.

Le combat était visiblement inégal : d’un côté une théorie achevée dans toutes ses parties et d’une autorité incontestée, une école compacte, un parti puissant ayant des orateurs dans toutes les législatures et dans tous les conseils, mais surtout le grand levier, l’argent[1] ; de l’autre côté, la pauvreté et le besoin, la diversité d’opinions, la discorde intestine et le manque absolu de base théorique. Cette lutte servit à l’avancement de mes idées, autant qu’elle nuisit à ma réputation. Au milieu des combats quotidiens que j’avais à soutenir, je découvris la distinction entre la théorie des valeurs et celle des forces productives et l’abus que fait l’école du mot de capital ; j’aperçus la différence qui existe entre l’industrie manufacturière et l’agriculture, je reconnus la fausseté des arguments de l’école, lorsqu’elle invoque en faveur du libre commerce des produits manufacturés, des considérations qui n’ont de force qu’à l’égard des produits agricoles. Je commençai à con-

  1. La sentimentalité et le romantisme n’ont pas joué non plus, dans cette circonstance, un faible rôle, comme partout où l’art a chassé le naturel. Pour certains esprits un attelage de bœufs traçant un sillon est un plus beau spectacle que les trains à vapeur qui sillonnent la terre, et plus les sociétés rétrogradent dans la civilisation, plus ils y trouvent de grandeur. De leur point de vue ils ont grandement raison. Combien l’état pastoral ne semble-t-il pas plus pittoresque que la prosaïque agriculture, et combien le sauvage sans culottes, avec son arc et ses flèches, n’est-il pas plus romantique que le berger ! Encore quinze ans après, lorsqu’il s’agissait de l’accession de Bade au Zollverein, un député sentimental parla dans la chambre badoise de tapis de verdure, de rosée matinale, du parfum des fleurs et de l’harmonie des couleurs.