Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/196

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s’excluait par son silence. La passion des causeurs le faisait oublier ; mais nous avons maintes fois négligé de suivre le fil de leurs raisonnemens, pour fixer notre attention sur sa figure. Elle se contractait imperceptiblement et s’assombrissait souvent sous une pénible impression, quand des sujets qui tiennent aux conditions premières de l’existence sociale étaient débattus devant lui avec de si énergiques emportemens, qu’on eût pu croire notre sort, notre vie ou notre mort, devoir se décider à l’instant même. Il semblait souffrir physiquement lorsqu’il entendait déraisonner si sérieusement, accumuler si imperturbablement les uns contre les autres des argumens également vides et faux, comme s’il avait entendu une suite de dissonances, voire même une cacophonie musicale. Ou bien, il devenait triste et rêveur. Alors il apparaissait comme un passager à bord d’un vaisseau que la tempête fait rebondir sur les vagues ; contemplant l’horizon, les étoiles, songeant à sa lointaine patrie, suivant la manœuvre des matelots, comptant leurs fautes, et se taisant, n’ayant pas la force requise pour saisir un des cordages de la voilure…

Son bon sens plein de finesse l’avait promptement persuadé de la parfaite vacuité de la plupart des discours politiques, des discussions philosophiques, des digressions religieuses. Il arriva ainsi à pratiquer de bonne heure la maxime favorite d’un homme infiniment distingué, à qui nous avons souvent entendu répéter un mot dicté par la sagesse misanthropique de