Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/197

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ses vieux ans. Cette façon de sentir surprenait alors notre impatience inexpérimentée ; mais depuis, elle nous a frappé par sa triste justesse. — »Vous vous persuaderez un jour, comme moi, qu’il n’y a guère moyen de causer de quoi que ce soit avec qui que ce soit », disait le marquis Jules de Noailles aux jeunes gens qu’il honorait de ses bontés, lorsqu’ils se laissaient entraîner à la chaleur de naïfs débats d’opinions. Chaque fois qu’on lui voyait réprimer une volonté passagère de jeter son mot dans la discussion, Chopin semblait penser, comme pour consoler sa main oisive et la réconcilier avec son luth : Il mondo va da se !

La démocratie représentait à ses yeux une agglomération d’élémens trop hétérogènes, trop tourmentés, d’une trop sauvage puissance, pour lui être sympathique. Il y avait alors plus de vingt ans déjà, que l’avènement des questions sociales fut comparé à une nouvelle invasion de barbares. Chopin était particulièrement et péniblement frappé de ce que cette assimilation avait de terrible. Il désespérait d’obtenir des Attila conduisant les Huns modernes, le salut de Rome auquel est attaché celui de l’Europe ! Il désespérait de préserver de leurs destructions et de leurs dévastations, la civilisation chrétienne, devenue la civilisation européenne ! Il désespérait de sauver de leurs ravages, l’art, ses monumens, ses accoutumances, la possibilité en un mot de cette vie élégante, molle et raffinée, que chanta Horace et que les brutalités d’une loi agraire