Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/203

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de campagne du romantisme, d’où sortirent des coups d’essai qui furent des coups de maître, Chopin resta invariable dans ses prédilections comme dans ses répulsions. Il n’admit pas le moindre atermoiement avec aucun de ceux qui, selon lui, ne représentaient pas suffisamment le progrès ou ne prouvaient pas un sincère dévouement à ce progrès, sans désir d’exploitation de l’art au profit du métier, sans poursuite d’effets passagers, de succès surpris à la surprise de l’auditoire. D’une part , il rompit des liens qu’il avait contractés avec respect, lorsqu’il se sentit gêné par eux et retenu trop à la rive par des amarres dont il reconnaissait la vétusté. D’autre part, il refusa obstinément d’en former avec de jeunes artistes dont le succès, exagéré à son sens, relevait trop un certain mérite. Il n’apportait pas la plus légère louange à ce qu’il ne jugeait point être une conquête effective pour l’art, une sérieuse conception de la tâche d’un artiste.

Son désintéressement faisait sa force ; il lui créait une sorte de forteresse. Car, ne voulant que l’art pour l’art, comme qui dirait le bien pour le bien, il était invulnérable ; par là, imperturbable. Jamais il ne désira d’être prôné, ni par les uns ni par les autres, à l’aide de ces ménagemens imperceptibles qui font perdre les batailles ; à l’aide de ces concessions que se font les diverses écoles dans la personne de leurs chefs, lesquelles ont introduit au milieu des rivalités, des empiétemens, des déchéances et des envahissemens des