Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/221

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cette noblesse infuse, de cette élégance innée, de cette chasteté virile, d’autant plus savoureuse qu’elle était plus inconsciente de ses dédains pour le charnel vulgaire là, où tous croyaient que l’imagination ne pouvait être coulée dans les moules d’un chef-d’œuvre, que chauffée à blanc dans les hauts fourneaux d’une sensualité âcre et pleine d’infâmes scories !

Mais, une des plus précieuses prérogatives de la pureté intérieure étant de ne pas deviner les raffinemens, de ne pas appercevoir les cynismes de l’impudeur, Chopin se sentait oppressé par le voisinage de certaines personnalités dont l’œil n’avait plus de transparence, dont l’haleine était impure, dont les lèvres se plissaient comme celles d’un satire, sans se douter le moins du monde que des faits, qu’il appelait les écarts du génie, étaient élevés à la hauteur d’un culte envers la déesse Matière ! Le lui eût-on dit mille fois, jamais on ne lui eut persuadé que la rudesse baroque des manières, le parler sans-gène des appétits indignes, les envieuses diatribes contre les riches et les grands, étaient autre chose que le manque d’éducation d’une classe inférieure. Jamais il n’eut cru que chaque pensée lascive, chaque espoir honteux, chaque souhait rapace, chaque vœu homicide, était l’encens offert à cette basse idole et que chacune de ces exhalaisons, devenue si vite d’étourdissante, fétide, était reçue dans les cassolettes de similor d’une poésie menteuse, comme un hommage de plus dans l’apothéose sacrilége !