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Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/315

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Le dimanche, 15 octobre, des crises plns douloureuses encore que les précédentes durèrent plusieurs heures de suite. Il les supportait avec patience et grande force d’âme. La comtesse Delphine Potocka, présente à cet instant, était vivement émue ; ses larmes coulaient. Il l’aperçut debout au pied de son lit, grande, svelte, vêtue de blanc, ressemblant aux plus belles figures d’anges qu’imagina jamais le plus pieux des peintres ; il put la prendre pour quelque céleste apparition. Un moment vint où la crise lui laissa un peu de repos ; alors il lui demanda de chanter. On crut d’abord qu’il délirait, mais il répéta sa demande avec instance. Qui eût osé s’y opposer ? Le piano du salon fut roulé jusqu’à la porte de sa chambre, la comtesse chanta avec de vrais sanglots dans la voix. Les pleurs ruisselaient le long de ses joues et jamais, certes, ce beau talent, cette voix admirable, n’avaient atteint une si pathétique expression.

Chopin sembla moins souffrir pendant qu’il l’écoutait. Elle chanta le fameux cantique à la Vierge qui, dit-on, avait sauvé la vie à Stradella. « Que c’est beau ! mon Dieu, que c’est beau ! dit-il ; encore… encore ! » Quoique accablée par l’émotion, la comtesse eut le noble courage de répondre à ce dernier vœu d’un ami et d’un compatriote ; elle se remit au piano et chanta un psaume de Marcello. Chopin se trouva plus’ mal, tout le monde fut saisi d’effroi. Par un mouvement spontané, tous se jetèrent à genoux.