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ensevelir à jamais, comme dans un mausolée funèbre, son amour et sa douleur.

Telle fut la cruelle catastrophe qui mit un terme à la félicité des deux amants. Ces tristes incidents ont été racontés de la manière la plus intéressante par Abélard lui-même dans un écrit développé joint à sa correspondance sous le titre de Historia Calamitatum, histoire de mes malheurs.

Mais, bien qu’elle eût consenti à prendre le voile et à se confiner dans un cloître, bien qu’elle eut accepté de n’avoir désormais que la froide couche des recluses, Héloïse était trop éprise pour renoncer à son amour et pour l’étouffer à jamais. Dans la cellule solitaire et jusqu’au lit glacé de la tombe, elle a gardé au cœur cette unique flamme qui a consumé sa vie.

Aussi les lettres que, du sein de sa retraite claustrale, elle a écrites à Abélard, vrais chefs-d’œuvre de tendresse passionnée, sont restées comme un monument de ses fidèles ardeurs. Elle a mis, elle a enfermé son âme tout entière dans ces pages où la passion transparait comme une lampe intérieure éclairant de ses lueurs voilées une urne d’albâtre sculptée pour un mausolée. Et ces lettres sont demeurées non seulement comme un modèle de tendresse et de sincérité pour les cœurs bien épris, mais comme un thème brûlant dont s’est inspirée la poésie.

On connaît la pathétique, paraphrase qui en a été faite par le célèbre poète anglais, Alexandre Pope, dans une de ces élégies épistolaires du genre noble auxquelles, depuis Ovide, on a donné le nom d’héroïdes. Plusieurs poètes français, Dorat, Callardeau, Saurin, entre autres, se sont livrés à des imitations plus ou moins heureuses de ce poème, et quelques unes ne manquent ni de chaleur, ni de sensibilité, quoique généralement d’une médiocre versification.

Ainsi, on le voit, un seul amour brisé par un cruel