Page:Litterature, n° 19, mai 1921.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

À quatre mois, le nouveau-né esquissa un rire devant ses doigts qui dansaient.

Lamprido montra à son fils les simulacres prospères.

— Regarde, dit-il, et ris.

— La brume tamise du seigle. Les étoiles brûlent un petit four conique. La lune exhibe une livre de beurre. Le sculpteur modèle des pains de sucre. Le peintre saigne des chateaubriands en pochade. Le pavé colle des grappes de graisse au talon de la marcheuse. Un philosophe chimiste dissèque l’intestin du lombric, inventant d’extraire de la terre l’aliment condensé. À la roulotte, scintille une flamme sur une bouteille vide. Dans les marais, les marchands essaient de prendre au filet le germe des feux follets. Les naturalistes sélectent des lampyres, pour remplacer l’éclairage. Les poules épient les pommes pourries, oubliées au faîte de l’arbre. La nuit étale du charbon. La fille du trottoir s’engage en parlant pomme de terre. Il faut gagner son pain quotidien. Pourchassées du vent, les feuilles cherchent dans les ravins une tombe. Elles ferment les trous perdus où les chats, à l’agonie, s’inhument. Tous les bruits de la mer rafalent dans les arbres. Les ménagères, puisant de l’eau aux pompes municipales, s’en retournent, le vent dans les robes, comme des mâts sur des voiliers. À la tombée de la nuit, tous les pouilleux, en leur bicoque, deviennent capitaines : fermant les quatre murs, leur submersible plonge, et l’on fait des voyages sous-marins.

Écoute les bruits d’industries de guerre, bruits de moteurs qui ronflent, de bombes qui éclatent.

Fusées, saccades, mitraille.

Un merle déserteur se cache au pied de la haie.

Le nourrisson, les deux mains dans la bouche, proclama son manifeste de la vérité en une panade.

— L’hiver, la forêt exhibe une architecture d’arabesques, noir et blanc. Il faut — dit Lamprido — une curiosité insatiable. Un pinson, derrière un âne, crie famine. La lune éclaire le jour. La poule moule des étoiles dans la neige. Le cheval découpe, dans la route, des croissants.