Page:Livre du Chevalier de La Tour Landry.djvu/182

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celluy qui luy bailloit chascun an telle chose, et avoit d’elle bonne pension par chascun an, si comme il disoit en son privé. La dame fut un temps moult honnourée et moult puissante. Sy morust son seigneur et vint en abaissant de son honneur et estat, et fut un temps que elle avoit plus de LX paires de robes, sy comme l’on disoit. Mais depuis, à la parfin, elle s’en passa bien à moins et en ot bien petitement, dont j’ay oy raconter à plusieurs que, quant elle fut morte, son visaige devint tel que l’on ne sçavoit que c’estoit ne quelle contrefaiture ; car ce ne sambloit point visaige de femme, ne nul ne le prist pour visaige de femme, tant estoit hideux et orrible à veoir. Sy pense bien que le fardement de la painture, qu’elle vouloit faire et mettre en elle, estoit l’achoyson de cellui fait. Pourquoy, mes belles filles, je vous pry, prenez cy bon exemple et le retenez en vos cuers, et ne adjoustez à vos faces, que Dieux a faictes à sa sainte ymaige, fors ce que luy et nature y ont mis ; ne rapetissiez voz sourcilz ne fronts, et aussy à vos cheveux ne mettez que lessive : car vous trouverez, de divin miracle, en l’esglise de Nostre Dame de Rochemadour plusieurs tresces de dames et de damoiselles qui s’estoient lavées en vin et en autres choses que en pures lessives, et pour ce elles ne peurent entrer en l’esglise jusques à tant que elles eurent fait copper leurs tresses, qui encore y sont. Ce fait est chose vraye et esprouvée. Et sy vous dy que ce fut très grant amour à monstrer à celles à qui elle les monstra : car la glorieuse vierge Marie ne vouloyt pas qu’elles perdeissent leurs pas, leur travail ne leurs pellerinages, ne que elles feussent