Page:Lockroy - Lettres sur la marine française, paru dans Le Temps, 25 août 1903.djvu/11

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Que M. de Lanessan ait eu raison d’élever le salaire et la pension des maîtres civils des arsenaux, électeurs et éligibles, personne ne peut le contester. Mais pour que la mesure fût à la fois complète et juste, il aurait fallu que la solde des maîtres de la flotte non éligibles et non électeurs, dont la vie se passe à la mer et qui n’ont qu’un foyer intermittent, fût à son tour augmentée. Elle ne le fut pas, et cette inégalité de traitement causa une émotion profonde dans le personnel marin. Ces maîtres attendaient d’un ministère radical, la répartition qui leur est due, mais que, paraît-il, leur exclusion des salles de vote rend négligeable. Ils forment ces cadres admirables dont aucune marine, pas même la marine anglaise ne peut montrer l’équivalent. Humiliés aujourd’hui, ils ne songent plus qu’à quitter un métier où leur dévouement ne trouve pas de récompense, où leur héroïsme ne rencontre que l’ingratitude. Chose plus triste, ils en détournent leurs enfants. « Faites quelque chose qui vous permette d’être électeurs, leur disent-ils. Pour ceux qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales, la République n’a plus ni considération ni pitié. »