Page:Loisy - L'évangile et l'église, 1904.djvu/308

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ne méconnaisse pas Dieu dans sa bonté et qu’elle respecte sa souveraineté. Aucune prière n’est justifiée comme acte de raison pure et de piété parfaite, si ce n’est la droiture des intentions, l’application au devoir et là soumission à la volonté divine. A la prendre selon sa signification naturelle et primitive, l’Oraison dominicale ne prêterait guère moins à la critique, en certaines parties, que la prière à saint Antoine de Padoue pour retrouver un objet perdu. La demande : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour », entendue selon la rigueur de sa signification historique [1], ne serait-elle pas subversive de l’économie sociale ? Pratiquement et en règle générale, l’homme adulte et sain peut et doit attendre son pain de son activité. Maintenant le chrétien demande que cette activité soit bénie du ciel ; mais le sens des paroles qu’il prononce était autre à l’origine. Il en est de même pour la demande : « Que ton règne arrive », dont le sens, pour le chrétien moderne, est assez différent de ce qu’il était pour le chrétien primitif. Ainsi la prière tire sa valeur du sentiment

  1. Cf. supr., p. 60.